dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 9

Parfois, j’ai l’impression qu’avec Sérénit, on joue au chat et à la souris. A mon plus grand dam, il prend trop souvent le rôle du chat et je n’aime pas avoir celui de la souris. Ca fait cinq ans que je suis le chef de la sécurité. Je fais du bon boulot. Même les sénateurs me respectent. Je ne me laisserais pas acculer par un simple ambassadeur d’où qu’il vienne. Il serait tant de leur rappeler qu’il ne faudrait pas longtemps pour réactivé nos missiles que ce n’est pas avec leur arrogance qu’ils les arrêteront et je me vante d’être très patient. Aujourd’hui, c’est moi le chat. Encore cinq disparitions, aucun indice et il se pavane en insinuation. Si vraiment il a des informations plus concrètes que ses allégories mystiques, il va me les sortir et vite. Je prends la plate-forme d’élévation mais je n’ai pas appuyé sur l’étage 49 mais sur l’étage 50. Une voix artificielle m’a demandé le code d’accès. J’ai récité les chiffres. Quelques secondes plus tard, je débarquais dans le grand hall du sommet de la tour de la sécurité. Moquette blanche immaculée, grande verrière, collection de plantes exotiques et même une musique douce. Une secrétaire s’avance tout sourire. « Bonjour chef, vous désirez quelque chose ? «

Elle est étonnée. C’est vrai que je monte rarement jusque là. « Un rendez-vous avec le légat Sérénit.

- Rien que ça. Attendez, je prends son emploi du temps ». Elle passe derrière un bureau perdu au milieu des plantes et se connecte au serveur ses lèvres murmurant à peine, elle quitte bientôt son écran et m’adresse un sourire. Le mois prochain j’ai… »

Je ne l’ai pas laissée finir, elle avait autre chose à faire que perdre son temps et moi de même.

« On s’est mal compris, je veux parler au légat de suite. »

Elle ouvre des yeux ronds et bafouille quelque chose. Je suis conscient que je la mets dans une situation embarrassante, coincé entre le chef de la sécurité et le légat Sérénit. Elle hésite. En général, dans ces cas-là, les gens ont pour habitude d’obéir à la personne qu’ils ont en face. Les absents sont moins à craindre. Ma petite théorie ne semble pas se vérifier aujourd’hui. Elle repart sur la toile du réseau : « Si c’est urgent, je peux peut-être vous intercaler entre deux rendez-vous la semaine prochaine. Je vérifie. »

Je la laisse vérifier à son aise. Pendant ce temps, je me dirige droit sur le bureau du légat et j’ouvre la porte sans frapper. Je tombe sur un salon immense baigné dans la lumière du soleil par de belles baies vitrées. Ici, le moindre objet semble sortir d’une exposition d’art. C’est un étalage de richesses disproportionnées. Encore un stratagème pour épater la galerie. Je ne me laisse pas avoir. Tout ce que je remarque, c’est que ce bureau ne doit pas être fonctionnel. Sérénit était en grande discussion avec, un des plus éminent sénateur décisionnaire de l’île. J’avais mal choisi mon moment pour faire de l’esbroufe. Il s’était tourné vers moi, son étonnement se muant trop vite en contrariété tandis que Sérénité, fidèle à son nom se contentait d’observer la scène, les coudes sur sa table de travail, les mains à la hauteur du menton, et un léger sourire au coin des lèvres.

« Syliss sortez immédiatement ! »

Voix mielleuse de Sérénit : « Voyons sénateur, vous parlez au chef de la sécurité. S’il se permet de venir interrompre notre entretien avec un tel manque de tact, je ne doute pas que la sécurité votre chère île que j’affectionne tant en dépend.

- On peut dire ça ainsi oui. » Je fixais Sérénit d’un air dur en serrant les dents. On ne peut pas dire qu’il prenait vraiment mon parti, le sénateur ne manquerait pas de me demander des explications. En plus, il ne semblait pas décidé à partir.

« Allons sénateur, nous reprendrons cette discussions plus tard, je vous ferais mander ». D’un geste du bras, le légat congédie un des dix hommes les plus importants de l’île comme s’il s’agissait d’un vulgaire esclave du continent et à mon plus grand étonnement, malgré le comportement irascible du sénateur, il ne bronche pas.

Une fois la porte refermée, j’ai l’autorisation de m’asseoir. Trop bon le bougre, c’est louche.

« Dites-moi tout Syhï Silicium, qu’est-ce qui vous amène ? Vous cherchez des conseils pour décorer votre appartement ? »

C’est qu’il me narguait en plus. Il devait s’amuser rien qu’a penser à la déculottée que j’aurais droit en sortant d’ici. Elle serait moindre que si en haut lieu ils savaient ce que je m’apprêtais à faire. Sérénit avait porté un verre à ses lèvres. C’est pas vrai, il était à peine dix heures. Je pensais qu’à cette heure-là, je pourrais l’avoir a jeun.

« C’est de l’eau » dit-il comme en réponse à ma question informulée.

Je me sens bête tout d’un coup. Moi qui me vante sans cesse d’éviter tout jugement, voilà que j’imagine n’importe quoi.

Les pilotes revenus du sud se sont tous mis d'accord pour le même récit incohérent.

Il me regarde comme s'il ne voyait pas du tout de quoi je parlais.

Les hommes que vous avez abattu au dessus du Sud.

- On a abattu personne.

Oui en effet, ils m'ont dit avoir été obligé de se poser tous les 5 pour le même problème technique et ensuite avoir été laché dns la nature sans être questionné.

- Ben vous voyez dit-il en laissant retomber sa tête sur un écran.

- Je constate en effet que vous nous dissimulez certaines de vos technologies. 5 avions n'ont pas le même problème ensemble.

- Vous êtes venus juste pour m'insulter avec des insinuations ?

- Non avouai-je. A vrai dire je ne pensais pas évoquer ce fait avant d'en savoir plus. Je m'étais laissé emporter

Je sors ma pile de document et la pose brusquement sur la table. Il repose son verre, tourne le paquet face à lui, y jette un coup d’œil, ébauche un nouveau sourire, feuillette un petit peu et pour la première fois, je sens poindre en lui quelques fragments d’émotion. Il est satisfait, c’est à cela qu’il souhaitait arriver.

Il passe les doigts sur son communicateur, le visage de la secrétaire d’entrée apparaît. Il change d’expression, prend un visage charmeur, ses yeux brillants soudain d’une lueur malicieuse. « Maya, annule tous mes rendez-vous de la journée. »

Sur l’écran le visage prend une expression inquiète. « Vous avez rendez-vous avec le couple présidentiel en début d’après midi au sujet de la mise en place des système de télécommunication entre l’île et les territoires du sud, je ne peux annuler.

- S’il te plait Maya, obéis, reporte ça a une date ultérieur, le plus loin possible.

- Mais. »

Le ton mielleux du légat disparaît remplacé par une autorité incontestable « Si ca ne te convient pas tu n’as qu’à leur dire que je ne veux pas de ses appareils, de toute façon ce sera la conclusion de l’entretien.

- Je ne peux pas.

- Alors annule.

- Bien Légat Sérénit. » L’écran devient noir à nouveau. Un soupir. « Je n’aime pas ses appareils. Vos concitoyens, si on ne les a pas en face, il faut toujours qu’ils discutent inlassablement, encore, et encore ».

Je voulais faire le fort, mais j’allais me faire avoir. Bien sur, je voulais cet entretien mais je commençais à me rendre compte des conséquences. Sérénit ne manquerait pas de claironner à qui veut l’entendre que j’étais la cause de ses changements de programme.

Il me fait glisser à nouveau les feuillets vers moi. « Dites moi tout. » Je regardais les rapports. Une bonne centaine de page. Rien en fait pour un dossier de cette importance. Les fiches des personnes disparues, les dépositions des témoins, les pistes déjà parcourues qui se sont avérées vaines. Je ne savais pas par quel bout commencer. Et puis surtout, si j’étais là, c’est pour qu’il me donne des infos, pas pour que je lui en donne. Je levais la tête vers lui pour lui faire cette remarque. Il soutient mon regard. « Dites moi tout répéta-t-il.

- Et je lui dis tout.

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