dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 7

L’animal a fait la une de l’info pendant deux jours.

Bien sur, il y en a eu pour associer l’animal au légat Sérénité. Et bien sur aussi, loin de démentir, quand on lui a demandé où il se trouvait ce soir là, il a répondu qu’il avait fait un tour à dos de dragon. J’ai réussi à le joindre vraiment furieux. Je l’ai prévenu que s’il ne retirait pas cette allégation foireuse, je dénoncerais ses supercheries d’autant plus que j’avais vu moi-même l’animal. Ce serait sa parole contre la mienne. Il a avoué qu’il avait peut-être révé de sa promenade à dos de dragon mais au fond, n’était ce pas un joli rêve ?

Je lui ai dit que ses rêves, il pouvait se les garder.

Il a finit par avouer publiquement avoir voulu plaisanter et en privé m’a envoyé ses sarcasmes à la figure sur mon peuple qui était si crédule qu’il gobait n’importe quel bobard. Sur ce point, je ne peux malheureusement pas démentir.

En plus de ça, deux nouvelles personnes ont disparu et un petit malin a trouvé intéressant de faire courir le bruit que le dragon les avaient mangé ce qui a crée un certain mouvement de panique.

Millie m’a téléphoné à la suite de ça pour me dire qu’il était tout à fait improbable que l’animal eut un quelconque rapport avec cette affaire.

J’étais d’accord. Cette bête ne passe pas inaperçue. Pour autant, je ne discutai pas avec Millie, je connaissais déjà son opinion. Elle voyait dans cet animal une ame de petit chien. Malgré cela, je dois admettre qu’elle est compétente. J’ai tiqué au début de voir une si jeune fille, encore étudiante promue spécialiste sur cette affaire, mais, comme on m’a fait remarqué plus tard, les spécialiste des dragons ne courent pas les rues et elle, elle fait une thèse sur les comportement territoriaux des lézards dont une bonne partie est consacrée à l’exception des dragons qui ne semblent pas suivre l’exemple de leur petits confrères reptiliens sur le sujet. Après, l’hypothèse que les deux dernières personnes aient été avalées par l’animal, je ne l’écarte pas entièrement. Les recherches ont mis à jours que l’endroit où le dragon a atterri n’était pas désert. Nous avons retrouvé des restes de présences humaines récentes. Un châle oublié, un reste de feu et, plus étrange, des dessins à la craie. Il s’agirait de pentacles et autres symboles mystiques. Il y aurait eu sans doute un rituel quelconque. Nous n’avons pas retrouvé ceux qui s’y adonnaient. Soit ils ont décampé en voyant l’animal, soit ils lui ont servi de dessert. Si Millie refuse obstinément d’évoquer cette possibilité. Au sujet des rituels, c’est ma femme qui m’a donné la solution là où mes meilleurs experts ont échoués. J’avais laissé les photos du site trainer dans le salon. Elle les a ramassé et juste en jetant un coup d’œil, elle a dit : c’est un temple de Ninoursha.

Je lui ai demandé si elle savait vraiment ce que ça représentait, elle m’a dit bien sur, les symboles au sol représente une ouverture, une sorte de façon de dire bienvenue et les fleurs de pavots sont celle de la déesse. Sur le continent, on fait souvent ce genre d'hôtel en hommage à une divinité. Une façon de demander aux Dieux qu’il vienne s’occuper de nous.

Au moins, voilà qui prenait moins de place que le temple de Ninhoursha au centre de la cité, une bâtisse gigantesque envahie de fresques et colonnades. Sur le continent, ils n’ont évidemment pas les moyens de construire de tels édifices alors, ils se contentaient de délimiter un espace dans un endroit abrité et d’y ajouter un petit foyer quelques fleurs choisies selon la divinité à implorer. Moi qui m’était imaginé quelques rituels morbides, il s’agissait bien plus vraisemblablement de quelques jeunes filles venant demander à la déesse Ninhoursha qu’elle vienne leur souffler comment trouver un amoureux. Elles ont du faire une drôle de tête en se retrouvant face à face avec un dragon à la place de la séduisante déesse. La prochaine fois elles feront une offrande au temple comme tout le monde.

Il y a des moments, où il faut savoir se détendre et oublier.

Le type qui est assis en face de moi, qui n’arrête pas de bouger tout en parlant comme si sa chaise était trop chaude pour rester immobile, c’est Myke. Il n’a pas l’air, mais c’est une des plus éminente personnalité de l’île. L’idée de la troisième tour, celle des sciences et technique déjà baptisée tour de l’avenir alors que les fondations sont à peine entamées, c’est lui. C’est sa tour comme il se plait à dire. Il m’a même avoué que les premiers plans où elle apparaissait plus haute que la tour de la tradition, c’était du pipeau. Des plans truqués juste pour faire bisquer les gros pontes des religieux. Il savait que ce ne serait jamais accepté aussi il avait depuis le départ prévu l’autre plan. Comme il dit : demande l’univers, quand ensuite tu demanderas juste la terre on te l’accordera plus facilement.

En effet, on lui a accordé sa tour. Il s’est déjà acheté un appartement en plein centre ville avec vue sur les travaux. Pour l’instant, ca lui fait plus d’une heure de trajet pour rejoindre le centre de recherche en dehors de la ville mais ca ne lui pose pas de problème. Il passe ce temps à rêver de sa future tour.

Il se plait à imaginer le futur tel un paradis terrestre. On peut passer des heures lui et moi à refaire le monde à coup de « si », et de « il faudrait ». Je l’ai rencontré il y a cinq ans de cela. C’était à l’inauguration d’une exposition de Marcus Substance, le célèbre sculpteur. J’ai beaucoup d’admiration pour ses œuvres, comme tout le monde. Pour autant, les vernissages sont ennuyeux comme la pluie aussi, même si j’avais été très fier d’être invité, je me serais bien passé d’y aller. Mais ma femme avait crié au scandale en imaginant que je pourrais la priver du privilège de rester debout pendant des heures alors qu’on serait bien plus tranquille en allant voir l’exposition quelques jours plus tard. L’exposition était une merveille, bien entendu mais il y avait eu une profusion d’interminables discours. Là ou on se rend compte que l’artiste a vraiment du génie, c’est qu’il avait eu le culot de ne pas se montrer à son propre vernissage laissant le soin à ses commerciaux de s’occuper de l’exposition. Donc, perte de temps total sans même pouvoir apercevoir le Maître Substance. Au bout du énième discours, je n’avais pu retenir un soupir d’ennui qui était entré en résonance avec l’homme qui se trouvait près de moi. On s’était regardé et quelque chose était passé. Une sorte de complicité je dirais. Sur le moment, nous nous étions permis ni l’un ni l’autre de faire autre chose que de continuer à subir ce calvaire puis, lors du cocktail, je l’avais perdu de vue. Par contre, j’avais remarqué une femme qui paraissait troublée, elle semblait perdue dans la plus grande confusion. J’étais allé la trouver, lui demandant si je pouvais lui être utile mais elle était juste fortement désappointée de ne pas voir l’artiste. Elle avait fait un long voyage juste pour l’apercevoir. Nous avions discuté quelques minutes, autant pas politesse que parce que je voulais savoir d’ou elle venait. Les femmes à la peau brune et aux yeux clairs, c’est pas le type de l’île où on a plutôt le teint clair et les yeux noirs. Je crois me souvenir qu’elle m’avait dit venir du désert de sable sur le continent mais je n’en suis plus sur. Bref, ma femme qui est d’une jalousie maladive était arrivée et m’avait interpellé s’imaginant déjà que je faisais la cours à une autre femme. C’était absurde. Je dois admettre que cette jeune femme était ravissante mais je ne suis pas le genre à perdre la tête devant la première beauté venue mais ma femme avait fait la tête et, apercevant l’homme avec lequel à l’époque je n’avais partagé qu’un soupir, je l’avais interpellé juste pour que ma femme soit obligé de changer de sujet. Elle avait été furieuse et elle était partie. L’autre n’avait pas été dupe, il avait de suite compris mon manège. Il m’avait confié que lui même était là car sa femme l’avait traîné de force à cette ennuyeuse réception. Encore un point commun et que cette dernière était partie, furieuse de ne pas voir l’artiste. Il s’était ensuite présenté et j’avais été très surpris, je n’avais pas imaginé que derrière cette bonhomie, se cachait une personnalité si importante. Il faut dire qu’il est très peu médiatisé. Il a horreur des journalistes. Encore un point que nous partageons. Nous avons donc quitté sans regret le hall d’exposition pour se retrouver attablé sur une terrasse de la place centrale. Depuis, dès que nous avons un peu de liberté, nous nous plaisons à nous retrouver ici comme aujourd’hui.

« Nous avons tendance à oublier, et plus grave, les autres peuples oublient aussi » me dit-il. « que nous sommes citoyens de la plus grande puissance de cette Terre, peut-être même de l’univers. Et savez-vous pourquoi ? »

J’ai ma petite idée la dessus mais je ne la développe pas de suite. Je préfère écouter son opinion.

« L’espace » me dit-il. « nous sommes le peuple qui a conquis les étoiles. Et je ne parle pas des bases orbitales mais des premiers colons sont partis à l’aventure vers les étoiles. Conquérir un pays, ce n’est que de la force brute mais une planète, c’est maîtriser toutes les technologies. Nous, nous avons conquis un autre monde. Ou nos ancêtres du moins. Une planète deux fois plus grosse que la Terre entière, une planète que nous avons nommée Conquête. Il y a de cela mille ans, et depuis ? Depuis, rien.

Comment ca rien ? » Nous avions gardé de nombreux contacts avec les colons de Conquêtes. Durant des siècles, nous échangions des messages. Evidemment, vu la vitesse des signaux, quand nous envoyions une question, il fallait plusieurs générations pour recevoir la réponse aussi les dialogues étaient limités et je pense que d’un coté comme de l’autre, nous nous sommes lassés. Il y a d’autres priorités que de se tenir informés de la façon dont les pionniers cultivaient leurs patates quelques systèmes solaires plus loin. Nous avons dû vaincre des épidémies, des guerres, des tremblements de terres, des éruptions volcaniques et j’en passe. Myke ne voyait pas les choses comme moi, ce n’était qu’un doux rêveur, la tête toujours dans les étoiles. Je lui fis part de ma théorie :

Soyons réaliste, n’oublions pas que la technologie dont tu parles n’est que la mise en pratique des traductions de textes anciens. Sans doute les anciens peuples néfilims qui nous ont légué leur bibliothèque de connaissances avaient-ils eux-aussi conquis l’espace.

Je pense que, si nous sommes le peuple le plus puissant, ce n’est pas parce que nous avons gaspillé notre temps et notre argent a envoyé des hommes et des machines dans l’espace sans rien avoir en retour. Je pense plutôt que notre puissance réside en notre humanité. Les peuples du continent s’essoufflent dans de perpétuelles conflits, nous, nous avons dépassé se stade, nous avons réussi à créer une civilisation de paix. Si les néfilims n’ont pas survécu s’est parce qu’ils n’avaient jamais pu atteindre ce niveau d’humanité et c’est là, ou nous sommes supérieur.

Myke se mit à s’esclaffer bruyamment s’attirant quelques regards désapprobateurs des clients des tables alentours de cette terrasse huppée. Pourtant, ce que j’avais dit n’avait rien de comique. Je précisai mon raisonnement : « C’est vrai, il y a pas mal de petit trafics de ci de là dans les bas fonds mais la violence physique a été quasiment éradiquée.

- Ce n’est pas ce que j’ai cru comprendre. Son sourire ironique me mit sur mes gardes. Perdu dans mon discours, j’en avais oublié le souci qui pourtant me hantait. Ces disparitions répétées.

« D’accord, ce n’est peut-être pas le moment de parler de cela.

Il fit un ample geste comme pour signifier que la question n’était pas là avant de reprendre : De toute façon, vos idéologies pacifiques n’ont aucun intérêt. Au contraire même, je crois que c’est un signe de faiblesse. Il suffit de voir comme le continent du sud nous nargue sans cesse. Quelques bombes ne leur feraient pas de mal. Ca leur remettrait les idées en place et leur rappellerait qui sont les plus fort.

Parce que vous seriez prêt à nous engager dans une guerre ?

Mais non, bien sur que non. Ca leur ferait trop plaisir. Mais soyons réaliste, que voulez-vous qu’ils fassent ? Qu’ils nous tirent dessus avec les animaux à bosses qui leur servent de monture ou qu’ils nous envoient une armée de dragon ?

Une armée de dragon ?

Oui, j’ai lu ça dans je ne sais plus quel journal. Dit-il en riant tandis que je me prends la tête dans les mains de désespoir.

Je m’affalai sur ma chaise. Si une race doit être éradiquée, c’est celle des journalistes pas celle des dragons et peut-être aussi les imbéciles qui y croient.

Ils jouent les fiers alors que sans notre technologie, ils ne sont rien. Bref Syliss, je m’égare. Il regarde à droite et à gauche puis les yeux pétillants, il s’approche pour me parler à voix basse.

Son ton de confidence est mal assorti à une simple invitation.

Pourquoi ? demandai-je méfiant.

Je crois qu’il y a quelque chose que je dois te montrer

Je n’ai pas su de quoi il s’agissait. Je lui ai demandé, dans un premier temps par curiosité et, comme il jouait le cachottier, j’ai insisté mais plus pour lui faire plaisir que par réel intérêt. Les recherches spatiales ne sont pas ma priorité. Je savais que depuis quelques temps, il bossait avec une équipe de traducteur et d’archéologues sur un nouveau site de fouille dans laquelle ils avaient trouvé des documents dans un état de conservation inimaginable. C’est lui qui le dis. La dernière fois qu’il m’a parlé de ce genre de relique, il m’a montré un bout de dentelles qui avait dû rester mille ans dans la boue.

Non, soyons réaliste, les vrais génies sont ceux qui arrivent à trouver du texte à traduire de ça pas les scientifiques qui se contentent de mettre en pratique les théories trouvées dans ces écrits.

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