dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 14

La sonnerie de mon communicateur me ramena à la réalité. Je l’avais mis en mode filtration. Seules les communications prioritaires pouvaient me parvenir. Je reconnus la voix de mon assistante.

Chef, la patrouille aérienne est de retour. La plate forme pétrolière a été saccagée.

Vous avez prévenu le continent ?

Pas encore, je m’en occupe.

Non. Je veux dire, pas de suite. Envoyez d’abords une patrouille de sauvetage ainsi que quelques hommes de la police scientifique et Millie.

Millie, l’éthologue ?

Oui.

Vous pensez que le dragon se serait posé là ?

N’est ce pas envisageable ?

Oui, en effet. Je m’en occupe.

Je coupai la transmission. Sérénité avait repris ce sourire fier particulièrement agaçant.

J’avais raison pour la plate-forme n’est ce pas.

En effet oui. Qui avez-vous espionné pour savoir ça ?

Absolument personne, je me suis contenté de faire marcher ma tête. Vous devriez essayer pour voir.

Je ravalai ma fierté. Je devais admettre qu’il avait été plus efficace que tous mes hommes réunis

Et il se serait posé sur la plate-forme pour se reposer.

Et se sustenter ajoutai-je. Il ne restait aucun survivant sur la plate forme mais il y avait moins de cadavres que de personne sur la liste de garde. Nous avions même retrouvé les restes de sa digestion.

Cela voudrait dire qu’on lui avait porté de la nourriture dit la présidente.

Je rectifiai : Cela veut dire que nous avons, comment dire, retrouver des traces de certaines personnes disparues dans les excréments de la bête sur la plate forme. Des dents, un bijou, ce genre de chose.

La présidente blêmit.

Vous voulez dire…

Je veux dire qu’il s’est nourri sur place et a du rester se reposer plusieurs jours vu le temps de digestion de l’animal.

La présidente frissonna. J’avais eu la même réaction qu’elle en recevant les résultats du labo.

Vu comme ça, en effet, la traversée est possible mais ça n’explique pas pourquoi cet animal à, tout d’un coup eu la lubie particulière de traverser l’océan courant par là à une mort certaine.

Un dragon en quête d’exploration lança Myrth.

Myrth était le bras droit de la présidente. Il avait une fâcheuse tendance à la suivre partout. Je ne supportais pas son humour.

Je sortis mes connaissances fraîchement acquises aux coté de Millie. Les dragons sont des animaux. Ils ne commettraient pas d’actes mettant leur vie en danger à moins que le risque sur le continent soit plus élevé.

Ou qu’il soit dressé dit la présidente.

Pardon ?

Vous nous avez confié que Sérénit pensait que le dragon suivait un appel.

Sérénit a une fâcheuse tendance à dérailler.

En attendant, c’est lui qui nous permet d’avancer dans cette affaire. Merci Myrth de le rappeler.

En tout cas, pour le reste du parcours. Je repris la carte sur mon ordinateur et la projetai sur l’écran principal : Il a viré droit au nord, a eu la chance de trouver sur son chemin un bloc de glace dérivant vers le sud suffisamment important pour supporter son poids. Il a du s’y reposer, a repris son vol et ensuite, nous avons perdu sa trace. D’après notre spécialise, vu la multitude d’îles, en approchant du continent de l’ouest, il est possible qu’il ait réussi a regagner la terre.

Quelle coup de chance de sa part ! Il fallait qu’il tombe pile sur une plate forme, puis sur l’ile, puis fonce droit sur l’unique bloc de glace du coin tout à fait par hasard.

D’accord, je devais admettre qu’attribuer ce trajet au hasard était plus qu’improbable mais les faits étaient là. Après, qu’on me trouve une explication rationnelle et j’étais prêt à l’écouter.

Je pense que vous me cacher certaines choses concernant les territoires du Sud. Si ces informations sont d’une quelconque utilité du point de vue de la sécurité, je crois être en droit, que dis-je, en devoir d’être informé.

Vous savez tout ce que vous avez à savoir.

Taisez-vous Myrth.

Je remerciai mentalement la présidente. Je n’aurais pas supporté une réflexion de plus de parasite.

Malheureusement nous n’avons pas d’informations concrètes mais nous avons repris tous les faits et gestes de Sérénit ainsi que des autres légats et de tous les contacts qu’on a pu avoir avec le sud.

Vous avez déjà pu remarquer que leurs systèmes de communication sont bien plus performants que les nôtres.

Ils n’ont aucun système de communication.

Alors comme peuvent-ils être toujours au courant de tout avant nous ?

Je n’en sais rien. Ils espionnent.

Oui, leur systèmes d’espionnage aussi est bien plus développé et je ne parle pas des micros placés ostensiblement devant nous afin de faire croire qu’ils sont si maladroits que nous n’avons rien à craindre d’eux

De même toutes tentatives de notre part de poser un pied ou même juste survoler leur territoire a été déjoué

Et vous en déduisez quoi ?

J’en déduis qu’ils ont bien plus de moyens qu’ils veulent nous faire croire.

C’est du bluff, d’où voudriez-vous qu’ils tirent la moindre connaissance ?

De la même base que nous.

Vous supposez que des personnes de l’ile leur donne des renseignements.

Ouvrez les yeux Silyss, si nous sommes si puissant c’est parce que nous nous approprions les connaissances d’un peuple disparut par les traduction des écrits des anciens Néfilim.

Mais le peuple Néfilim vivaient sur l’ile pas sur les territoires du Sud.

Parce que tu imagines qu’un peuple suffisemment puissant pour voyager dans l’espace se cantonnait au territoire de notre ile. As-tu déjà vu les statues gigantiesque qui couvrent leurs iles. On ne me fera pas croire que c’est eux qui les ont érigé.

Ces debats ont deja eu lieu et les conclusion ont été que leur art n’a rien en commun avec la civilisation Néfilim. De même, si vraiment ils utilisaient une technologie similaire, nous la reconnaitrions.

Je ne sais pas

Chapitre 13

J’arrivai à mon bureau, il était onze heure passé. J’avais décidé de prendre un peu de temps pour ma famille histoire de faire oublier à ma femme mes interrogations nocturnes. J’ai envoyé un message afin d’envoyer une patrouille survoler la plate forme histoire de me donner bonne conscience puis je suis retourné me coucher. J’ai fait la grasse matinée. Du moins, je suis restée au lit avec ma femme qui m’a expliqué les derniers soucis avec Ounis. Son travail jamais fait dans les temps, ses rebellions constantes pour tout et n’importe quoi. Son inconscience vis-à-vis du danger. Ma femme craignait qu’il ne se fasse enlever. Il commençait à avoir dans la cité une angoisse latente à ce sujet. Bizarrement, jamais jusqu’à maintenant je n’avais eu la moindre crainte vis-à-vis de ma famille. Cette affaire me pourrissait la vie, le fait de s’attaquer aux citoyens de la cité en revenait à me narguer personnellement mais je n’avais jamais pensé que ma famille puisse en être victime. Cette idée me fit horreur et j’aurai préféré que ma femme ne m’en fasse pas prendre conscience.

J’arrivai à mon bureau, triais mes messages encore pris par cette nouvelle inquiétude. Et si un jour un de mes enfants ne rentrait pas à la maison. Et si aujourd’hui un de mes enfants ne rentraient pas. Je résistai à la tentation d’appeler ma femme pour garder un œil sur eux. Elle le faisait déjà.

Mon assistante entra. Elle avait frappé mais je n’avais pas répondu perdu dans mes pensées.

Elle me pria de l’excuser de me déranger mais elle avait fini d’analyser les enregistrements.

Quels enregistrements ?

Ceux du centre de recherche.

Cette histoire m’était totalement sortie de la tête et après coup, je trouvai puéril d’avoir envoyé mon assistante perdre du temps la dessus alors que le dossier des enlèvements aurait du prendre l’entièreté de son attention.

Je me voyais mal le lui dire maintenant pourtant je ne pu m’empêcher de demander si ça ne lui avait pas pris trop de temps.

Bien sur que non dit-elle. C’est l’ordinateur qui s’en est chargé. Il a séquencé tous les plans où le légat apparaît. Je me suis contenté de récupérer l’enregistrement entre sa première apparition et son départ. J’ai placé le dossier dans vos dossiers en cours.

Merci dis-je. Donc Sérénit était bien passé au centre de recherche. Je n’en demandai pas plus à mon assistante, je préférai juger par moi-même.

C’est assez…étonnant ne put-elle s’empêcher de dire.

Alors gardez le pour vous.

Bien chef.

Elle franchit la porte et je laissai mes messages de coté. Etonnant, qu’est ce qu’elle voulait dire. Je craignais le pire. J’aurai dû m’occuper moi-même de cette histoire. Je récupérai le fichier. Pas bien lourd. Une vidéo de trente minutes prise la veille environ une heure à peine avant mon arrivée.

La première image montrait Sérénit debout devant le prototype. Il parlait à quelqu’un hors du champ de la caméra. Malheureusement je n’avais pas le son. Ces caméras ne captent que l’image. Déjà, je demanderais à mon assistante de me sortir le quart d’heure précédent afin de voir son entrée. Il y eu une ombre puis un personnage traversa la pièce à grands pas. De dos et tête baissée pourtant, je le reconnus aisément. Myke m’exclamai-je. Myke et Sérénit. Pourquoi m’avait-il caché qu’il avait montré le propulseur à Sérénit.

Je m’affalai contre le dossier de mon fauteuil. La poisse. Mon meilleur ami me cachait certaines de ses transactions avec le légat. La raison m’échappait me je savais déjà qu’elle ne me plairait pas. Dès qu’il saurait que j’ai mis la main sur ces enregistrements, ce sera la fin de notre amitié.

Il fallait que je sache ce qu’ils se disaient. C’est Myke qui faisait la plupart de la conversation. Sérénit se contentait de le suivre des yeux et de hocher la tête de temps en temps. Leur conversation dura une dizaine de minutes puis Myke disparut dans le bureau adjacent. Sérénit s’approcha du propulseur, le regarda attentivement. Ensuite il chercha quelque chose des yeux et s’avança résolument à l’autre bout de la pièce. Il disparut du champ de la caméra puis revint peu après une feuille à la main. Son regard se porta droit sur la caméra et il tendit la feuille devant lui. Syliss, Rendez-vous pour déjeuner à l’ancien Eden.

Il posa ensuite la feuille, ôta sa boucle d’oreille et Myke réapparut à ce moment là, un dossier papier à la main. Sérénit le remercia chaleureusement ou en tout cas ça y ressemblait et prit le dossier qu’il enfourna dans son attaché case. Ils se dirigèrent ensuite tous deux vers la sortie et disparurent du champ. La suite était facile à deviner. Sérénit posait sa boucle d’oreille ostensiblement dans le système de fermeture dans le but ultime de se faire remarquer sachant que je viendrai plus tard dans la soirée.

Restait le mobile. Que voulait-il me dire par là. Pourquoi ce type ne pouvait-il pas juste dire ce qu’il avait à dire. Et que fait Myke avec lui dont il ne veut pas me parler. Sérénit voulait-il juste me faire remarquer que je plaçais mal mon amitié.

Deux solutions, soit je faisais la sourde oreille à son message. Je n’en voyais pas l’intérêt. Soit je me rendais au restaurant l’ancien eden et je mendiai quelques réponses. Je regardai l’heure 13H. J’attrapais ma veste. Je me ferai au moins offrir un repas dans le restaurant le plus cher de la ville. Du moins s’il m’avait attendu. J’arrivai sur le seuil du restaurant à 13H30. L’ouvreur me proposa d’entrer. Toutes les tables étaient prises mais il m’assura pouvoir trouver une place et me recommanda de patienter au bar. Je suis attendu par le légat Sérénité lui dis-je.

Il eut un mouvement de recul presque imperceptible et jeta un œil derrière lui. Oui, en effet, le légat nous a dit qu’il nous ferait l’honneur de sa présence. Il n’est pas encore arrivé, je vous conduis à sa table. Je suivis le serveur à travers la salle puis dans un jardin surplombant la mer. Il finit par me proposer une place sur la dernière table perdue au milieu des bougainvilliers. Le légat a réservé pour quel heure. Le serveur ne put retenir un sourire. Le légat vient quand il a faim.

Quand il a faim, c'est-à-dire au moment où je me décidai à me lever pour partir. J’avais failli commander et manger mais j’ignorai si je pourrai mettre le repas sur la note de Sérénit s’il ne venait pas. A deux heures je me levai et au même moment, je sentis une main sur mon épaule qui me poussa à me rasseoir puis Sérénit prit place face à moi. Instantanément un serveur vint prendre notre commande. Je choisis le plat le plus cher. Sérénit hésita longuement sur le vin et prit la même chose que moi.

Comme on dit, la meilleure défense, c’est l’attaque. Je sortis les restes du mouchard trouvé dans la salle de conférence et les poussaient vers lui. La présidente est au courant. Il se contenta de sourire. Je pense que vous pouvez le garder, je crains qu’il ne me soit plus utile vu son état.

Vous espionnez nos réunions, je suppose mon bureau aussi. J’ignore ce que vous faisiez avec Myke et je ne veux pas le savoir. Vous allez préparer vos affaires et rentrer chez vous. Vous n’êtes plus le bienvenu chez nous légat.

Ces mots m’étaient venus spontanément devant son air supérieur et son sourire narquois.

Pourtant je n’en ressentis que du soulagement, c’était la chose la plus sensée à faire. Je ne pouvais me laisser marcher sur les pieds impunément.

Vous ne me chasserez pas Silicium dit-il en me fixant de ses yeux verts.

Je me pris la tête dans les mains sans pouvoir détacher mon regard du sien. Non, je ne le chasserai pas. J’avais mangé trop tard, je me sentais nauséeux. Et j’avais trop de soucis ses temps-ci.

Pourquoi dis-je.

Pourquoi me harceler ainsi.

Parce que nos intérêts concordent.

Et c’est pour ça que vous détournez mes amis en leur faisant miroiter des projets que vous n’avez ni les moyens ni l’intérêt de mettre en œuvre ?

C’est faux, nous trouverons les moyens quant à l’intérêt. Il leva un instant les yeux au ciel et je sentis un soulagement irrépressible à le sentir s’éloigner de moi. Je me demandai pourquoi je n’avais pas continué dans ma voie première, pourquoi ne pas le chasser une fois pour toute.

Nibiru me dit-il.

Quoi ?

L’étoile rouge. Elle s’approche.

Oui, ce sont des choses qui arrivent. Tous les six mille ans cet astre passait entre l’orbite de la Terre et Mars.

Mais cette fois, elle nos deux orbites se frôleront. Nibiru est bien plus grosse que la Terre, qui sait les conséquences de son attraction sur nous.

Nous avons au moins une cinquantaine de physiciens qui travaillent dessus et leurs calculs sont encourageant. Mais sans doute les espionnez-vous aussi.

Oui et ils ne me semblent pas si encourageant.

La facilité avec laquelle il m’avoua ça était si déconcertante que je la laissai passer. Alors vous voulez fuir sur une autre planète car vous craignez que Nibiru ne saccage la Terre. A votre guise, je ne vous retiendrais pas.

Je vous en serai gré. Maintenant, si nous parlions de vos enlèvements.

Pourquoi, vous avez avancé dans vos recherches ?

Ca se pourrait.

Et vous avez trouvé des similitudes ?

Ca se pourrait.

Et vous allez continuer longtemps à faire des mystères.

Absolument pas. C’est d’ailleurs pour cette raison que je voulais vous voir hier. J’ai établi un profil des différentes personnes disparues. Vous cherchiez des similitudes sans en trouver. Mais n’est ce pas étrange que justement, aucune de ses personnes n’ait quoi que ce soit en commun.

Pourquoi ne pouvait-il s’exprimer clairement « poursuivez »

Je constate juste. Toutes les classes sociales sont représentées, de même il n’y a pas deux personnes qui aient le même travail.

Et ?

Et rien, je trouve juste étrange une telle diversité. A croire que l’agresseur cherche à obtenir un échantillon représentatif de la population. Peut-être qu’il veut se faire un petit monde à lui.

Pourquoi pas, au point où nous en sommes, je suis prêt à écouter n’importe quelle théorie.

Impossible de me rappeler pourquoi j’avais accepté de lui confier des dossiers. Jamais, je n’aurais pas du. Ces documents étaient confidentiels, Sérénit était ce qui se rapprochait le plus d’un ennemi. Voila à quoi j’en étais réduit. A chercher de l’aide auprès d’un étranger incapable d’autres choses que de me mettre des bâtons dans les roues toute en me parlant comme un illuminé.

J’ai cependant trouvé des similitudes de caractères. Ce sont toutes des personnes très indépendantes et débrouillardes.

J’eus un regain d’attention. Un profil psychologique des victimes. Voila en effet un point qu’on n’avait pas travaillé.

Assez superstitieuses continua Sérénit et, là je crois que ça va vous intéresser, ils côtoyaient tous des voyants afin de savoir ce que l’avenir leur réservait.

Ca m’étonnerait qu’ils leur aient dit qu’ils se feraient enlever. Ce sont tous des charlatans.

Sans doute mais pas ils mais elle. Car ils consultaient tous la même voyante.

Quoi ! Voila que c’était le légat qui me trouvait une piste alors que tous mes hommes s’escrimaient sur cette affaire depuis des mois. C’était trop beau pour être vrai.

Vous en êtes sur. Je restai sur la défensive comment avez-vous trouvé ça ?

De la même façon que vous, en interrogeant l’entourage et en m’intéressant à des détails anodins en apparence. Personne ne s’est focalisé sur quelque chose d’aussi ridicule que la superstition

Le nom de cette voyante.

Sans se faire prier, il me l’inscrivit sur un bout de papier qu’il me tendit. Il va sans dire que je suis déjà allé y faire un tour et qu’elle a fermé boutique et reste introuvable, sinon je ne serai pas en train de déjeuner tranquillement avec vous.

Je me levai. J’étais bien trop impatient de vérifier cette nouvelle piste. Tant pis pour le dessert. Un dernier doute. Légat Sérénité, j’ai déjà eu droit à vos théories mystiques, j’espère que vous n’imaginez pas aussi que notre destinée est écrite en lettre d’or déchiffrable par des médiums.

Non, mais je pense que cette médium détient peut-être la destinée de vos hommes et femmes enlevée ainsi qu’une petite des nôtres.

Une petite dites-vous. Je me souvenais en effet que Sérénit avait mentionné un enlèvement sur le territoire du Sud.

Oui confirma-t-il. Une jeune fille nommé désir, disparue il y a plus de six mois avec sa mère. Son père a été retrouvé assassiné et sa mère doit être morte aussi.

Je vais vous dire, si j’avais pu retrouver cette médium moi-même, je me serai occupé de son cas personnellement mais je crains d’avoir encore besoin de vous

Chapitre 12

La réunion avait pris une bonne partie de la journée et m’avait épuisé. Les derniers propos de la présidente tournaient sans cesse dans ma tête et j’avais beau les tourner en tout sens, il me manquait certaines informations pour comprendre et elle avait refusé de m’en dire plus. Je repassai dans mon bureau avec la ferme intention de préparer mes tâches pour le lendemain et de rentrer chez moi. Pour aujourd’hui, c’était suffisant. Je trouvai un message de Myke disant juste ne m’oublies pas. Je l’avais vu la veille, il avait réitéré son invitation au centre de recherche plus mystérieux que jamais mais avait refusé de me dire de quoi il s’agissait exactement se contentant de me dire qu’on serait bientôt maître de l’univers entier.

Formidable, ça me fait une belle jambe. Cela dit, c’est mon ami et si c’est important pour lui, je devrais me résigner à passer le voir. Et, pourquoi pas ce soir. Souvent, il travaille tard.

Je croisais Sérénit en sortant du bâtiment tandis qu’il entrait d’un air nonchalant. J’aurai aimé lui sortir les restes de son mouchard et lui coller entre les deux yeux mais je me contentai de le saluer courtoisement selon les instructions de la présidente. Son visage s’illumina dès qu’il me vit et me serra la main avec tant d’enthousiasme que c’est à peine s’il ne m’avait pas embrassé. Je ne m’attendais pas à ce qu’il s’excuse ou qu’il ait l’air confus. A la rigueur, je l’imaginais désolé que son plan d’espionnage à trois sous n’ait pas marché mais sûrement pas à une telle jovialité.

Syhï Silicium, justement, je désirais vous voir. Allons dans votre bureau voulez-vous.

Vous avez des pistes pour retrouver nos disparus ?

Il se décida à me lâcher. Je crois que mon ton glacial l’a surpris.

Non se contenta-t-il de dire.

Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi j’aurai un entretien avec vous. Comme vous pouvez voir, je m’apprêtai à sortir.

Je comprends dit-il

Mais ma secrétaire est toujours là, prenez rendez-vous, je crois même qu’il me reste des créneaux disponibles dans deux ou trois mois.

Je vous verrais tout à l’heure, je préfère.

C’est ça oui dis-je en reprenant mon chemin. Il pouvait toujours m’attendre, je n’avais pas l’intention de venir travailler ce soir.

Je préférai rentrer chez moi. Je trouvai un mot de ma femme disant qu’elle passait la soirée chez une amie. Je me changeai, me douchai et appelai Myke directement au centre de recherche. Mon appel lui faisait plaisir. Tant mieux. Je lui proposais de passer le voir ce qui l’enthousiasma au plus haut point..

Il comptait partir tôt mais sachant ma visite, il était prêt à m’attendre jusqu’au bout de la nuit. Au moins ça me changerait de mon idée fixe : comment le dragon avait-il pu traverser l’océan. J’avais vérifié le tonnage de tous les bateaux. A part un porte avion qui se trouvait à l’autre bout du monde aucun vaisseau n’était de taille suffisante pour accueillir un tel monstre.

Je me dépêchai donc d’aller au centre de recherche. Ma curiosité était éveillée mais surtout, je ne voulais pas le faire attendre. Je me dirigeai directement à son bureau ou il devait m’attendre. J’avais les codes d’entrées et en tant que chef de la sécurité, j’ai un passe. Son bureau était vide. Je me rabattis sur la secrétaire. Le Syhy Myke est à l’entrepôt 342. Voulez-vous que je vous y conduise ?

Sans doute, je l’ai prévenu de mon arrivée.

Il fait visiter nos installations au légat Sérénit.

Sérénit ? Répétai-je. Qu’est ce qu’il fait là celui-là ?

La secrétaire prit l’air confuse. Il nous a dit qu’il venait de votre part.

Et vous l’avez cru ?

A vrai dire, je ne sais plus. Oui, sans doute. En tout cas, Myke était enthousiasme à l’idée de le faire visiter.

Ca m’étonnerait, Mike ne le supporte pas. Ma femme n’avait peut-être pas tort sur tout. Sérénit est un insupportable mêle tout. Je commence à me demander si ce n’est pas à moi qu’il en veut. Je veux bien croire au hasard mais qu’il se retrouve ici en même temps que moi, c’est un peu fort. Myke avait laissé un message à mon bureau me demandant de venir. Il va falloir que je fouille mon bureau à la recherche d’un micro. Myke non plus n’a pas tort en disant qu’il serait bon de se montrer moins clément et qu’une fois une ou deux de leur cité ravagée par quelques missiles, ils la ramèneraient moins. Je repensais encore aux mises en garde de la présidente. Si le risque existait, je devais être mie au courant. Je repensais aux pilotes obligés d'attérir. Je demanderais un rendez-vous avec les deux présidents. Si des armes offensives non répertoriées existaient dans le sud, je devais être au courant. C’est en ruminant ses conclusions que j’arrivais à la suite de l’assistante de Myke dans l’hangar principal. Le dernier prototype de Myke semblait étinceler sous les projecteurs. Un avion suborbitale mais d’une taille extravagante. On pouvait au moins caser 5000 personnes dans cet engin. C’est démesuré.

Myke était là. Son enthousiasme transparaissait dans ses gestes. Il brassait tant d’air avec les bras qu’on l’imaginerait s’envoler avec son avion. A ses coté, Sérénit beaucoup plus pondéré se contentait de hocher la tête de temps en temps mais au fur et à mesure que je m’approchais, je discernais son sourire victorieux qui s’agrandit encore quand il m’aperçut. Myke me fit signe d’approcher et me donna une vigoureuse accolade. Sérénit me tendit la main discrètement mais son sourire disparut en même temps.

Enfin Syliss, je désespérais de te voir. Que penses-tu de mon bébé dit-il en désignant du bras l’immense vaisseau.

Magnifique mais inutile. Nous n’en avons pas besoin. Pour aller ou ? Au désert des sable ou se geler dans le nord, on ne remplit déjà pas nos avions qui sont dix fois plus petit. Personne n’achètera un monstre pareil.

Le légat du sud vient de me faire une offre dit-il désignant Sérénit.

Je me tournais vers Sérénit toujours rayonnant mais c’est à Myke que je m’adressais.

Parce que tu imagines qu’il a les moyens ?

Vus seriez étonné Syhï Silicium dit ce dernier. Mais je ne parle pas en mon nom évidemment mais au nom de tous les territoires du sud.

Parce que votre peuple se lance dans le tourisme. C’est nouveau ça. Et pour aller où ? Personne ne vous supporte sur le continent.

Alors nous irons plus loin.

Qu’est ce que vous manigancez Sérénit ? Je me repris. Qu’est ce que les territoires du sud manigancent ?

Allons Sérénit, ne soyez pas si méfiant. Ce vaisseau est magnifique et on me ressasse à longueur de journée qu’on doit s’ouvrir au commerce. Quelle bonne opportunité.

Il me prenait pour un idiot ou quoi. Je savais pertinemment qu’il se fichait éperdument de ce vaisseau. Il était venu uniquement car d’une façon ou d’une autre, il savait éperdument que je viendrai ici et voulait me narguer.

Vous tentez d’espionner nos réunions. Comme si ça ne suffisait pas, vous vous insinuez dans ma vie privée jusque chez mes amis et ensuite vous osez parler d’ouverture sur le monde. Mais personne ne voudra la moindre chose de vous tant que vous ne changez pas de comportement.

Laissez-moi garder un avis plus réservé sur le sujet Silicium. Je vous parie que dans moins d’un an, nous aurons rassemblé la somme nécessaire pour ce joujou il se tourna vers Myke avec ses petites améliorations bien entendu.

Myke bafouilla quelques mots du genre de quelles améliorations …

Mais Sérénit avait franchi la porte sans se donner la peine de perdre du temps en au revoir. Au dernier moment il daigna tout de même se retourner. « La plate-forme pétrolière des terres du nord.

Quoi ?

C’est ce dont je voulais vous parler tout à l'heure. le seul point plus grand qu’un bateau entre votre ile et le continent »

Qu’est ce qu’il raconte demanda Mike une fois sérénité hors de vue

Je renonce à suivre toutes les élucubrations de ce dingue.

Par An et tous les dieux, Myke, qu’est ce qui te prend d’inviter cet espion déclaré dans des hangars militaires.

Myke avait l’air égaré. Je ne sais pas me dit-il. Il me l’a demandé je crois.

Je reculai saisi d’effroi. Qu’il avait l’air vieux soudain. A voir l’énergie qu’il dépensait sans compter, j’avais souvent l’impression qu’il avait mon age alors qu’il en avait plus du double. Jamais avant aujourd’hui je n’avais imaginé qu’il puisse perdre la tête ainsi. Le surmenage sans doute.

Il secoua la tête comme s’il cherchait à évacuer un mauvais rêve, se tourna vers moi, me regarda un instant incrédule puis reprit son sourire jovial. Syliss, ca me fait plaisir de te voir.

Ca fait un moment que je suis là. Je n’avais pas pu m’empêcher de le lui faire remarquer.

Oui, c’est vrai dit-il. Il me tira soudain par la manche et m’entraîna vers l’ascenseur son entrain retrouvé. Ca fait si longtemps que je veux te montrer ça dit-il en dirigeant l’ascenseur vers le troisième sous sol.

Me montrer quoi ?

Tu vas voir dit-il.

Il m’entraîna dans un couloir. Me présenta à l’équipe de sécurité afin qu’ils me laissent passer. Ces derniers sourirent, de la distraction de Myke. Il n’était nul besoin de me présenter. Même si je ne connaissais pas ses hommes, eux me connaissaient. Nous passâmes devant une série de laboratoires, nous descendîmes encore quelques marches. Je pus admirer la totale au niveau de la sécurité : emprunte rétinienne, digitale, scanner. Pour enfin entrer dans une sorte d’hangar souterrain qui ne payait pas de mine.

Fièrement, Myke me désigna un objet. Une sorte de moteur d’où sortait quelques fils. Le tout n’était pas grands. La taille d’une belle citrouille tout au plus.

Et alors dis-je à Myke.

Là, il me sortit tout un baratin technique incompréhensible.

De son discours, j’arrivai cependant à discerner deux choses. La première c’est qu’il comptait grâce à cela voyager dans l’espace beaucoup plus rapidement. Et quand je dis l’espace je craignais qu’il songeait à bien plus que la base orbitale.

Je levai les yeux au ciel. Il vivait dans ses rêves de gosses. La conquête de l’espace avait eu son heure de gloire mais les budgets actuels ne cautionnaient plus ses excursions sans retour ni bénéfices d’aucune sorte. Je le lui fis remarquer avec le plus de douceur possible.

Tu ne comprends pas me dit-il. Avec ça, il ne s’agira plus de voyage sans retour. Si mes hypothèses se vérifient, il ne faudrait plus trente ans pour atteindre la lointaine colonie de la planète conquête mais trois mois tout au plus.

Je me demandai s’il plaisantait ou non.

Tu n’as rien écouté de ce que je t’ai dit soupira-t-il.

Si bien sur. Je n’ai sans doute pas tout compris. Si je comprends bien. Il s’agirait de plier l’espace ?

Oui. Comme un drap. Tu prends les deux coins d’un drap et tu les poses l’un sur l’autre. Ils étaient très éloignés, ils viennent se superposer. Ce serait le même concept pour l’espace.

Je renonçai à comprendre.

Et c’est cette technologie que le légat veut acheter ?

Ma foi, s’il voulait s’expatrier hors planète, ce ne serait pas une bête idée. Il ne me manquerait pas.

Non dit Myke. Bien sur que non, je ne lui ai pas parlé de ça, c’est top secret. Ce n’est que l’avion qui l’intéresse. Allons Syliss, je crois que tu ne te rends pas compte de la portée de cette découverte. C’est une véritable révolution. Une victoire sur l’espace. Plus rien ne nous arrêtera.

Je le laissai parler mais tentai tout de même de prendre un air réellement intéressé. C’était mon ami, je ne voulais pas le décevoir. La réalité le rattraperait bien assez vite quand il demanderait des subventions pour son projet. Je me dirigeais doucement vers la porte et constatai avec soulagement qu’il me suivait et fermai la porte derrière nous.

Attends me dit-il tandis que je reprenais le couloir.

Un problème avec la porte maugréa-t-il en ouvrant à nouveau. Sans doute quelque chose bloque-t-il la fermeture magnétique. La moindre poussière la coince. Il faut faire réparer ça dit-il en glissant sa main sous la porte coulissante pour en ressortir avec un minuscule objet vert.

Qu’est-ce que c’est que ça dis-je en lui prenant l’objet des mains. On dirait un bijoux dit-il. Un petit serpent.

Non un dragon. Il a des pattes. Un piercing en forme de dragon, le symbole des territoires du sud. Je croyais que tu n’avais pas emmené Sérénit ici.

Non, bien sur que non, je ne l’ai pas emmené ici.

Alors comment expliques-tu ceci dis-je en brandissant la breloque en jade comme un trophée. J’avais déjà la réponse. Leur système d’espionnage était pire que tous ce que j’avais imaginé. Sérénit était déjà venu ici et vu les systèmes de sécurité. Imaginer que quelqu’un ait pu s’y introduire faisait froid dans le dos.

Sans doute ce bijou appartient-il à un employé du centre de recherche répondit Myke.

Sa naïveté faisait peine à voir. C’est du jade. Nous n’avons pas ce type de pierre sur l’ile et ils gardent les leurs aussi jalousement qu’un dragon ses œufs. Mauvaise image, justement, les dragons se fichent éperdument de leurs œufs. C’est même ainsi que nous avons pu nous en débarrasser en les détruisant dans l’œuf. Mon lapsus avait bien été perçu par Myke qui haussa les épaules. Tu travailles trop mon ami, tu finis par imaginer des complots partout. Tu es bien placé pour connaître la fiabilité de nos systèmes de sécurité.

Justement, c’est cela qui m’inquiète. Sérénit est de plus en plus envahissant. Je crains qu’ils préparent quelque chose. J’ai défendu les territoires du sud contre les rumeurs comme quoi ils étaient à l’origine des enlèvements, je commence à penser que la rumeur avait vu juste.

Voyons Syliss. Ca devient ridicule.

Non ca ne l’était pas. C’est toi qui me dis ça. Je croyais que tu étais prêt à entrer en guerre contre le sud. Et voila que je te retrouve en parfaite amitié avec le légat du Sud. Quel revirement ! Pourquoi était-il là au fait ?

Je reste sur mes positions, c’est un peuple trop fier qui aurait besoin d’une bonne raclée de temps en temps pour leur rappeler qui sont les plus fort. Ils font semblant de jouer dans la cours des grands mes ils ont un niveau technologique très bas et sans nous, ils ne seraient que des primitifs. C’est d’ailleurs pour cette raison que je peux te certifier que le légat n’est pas venu dans le laboratoire. Quant à sa présence ici ce soir, il voulait te voir.

Ha oui, et comment savait-il que j’étais ici.

Il parait que tu le lui as dit.

Je n’ai rien dit du tout mais il m’espionne.

Tu ne crois pas que tu pousses un peu là. Ce doit être ta secrétaire qui le lui a dit.

Je renonçai. Je n’allais pas passer la soirée à lui expliquer mes différents avec Sérénit. Je posai cependant une dernière question. Tu ne comptes pas sérieusement vendre ton vaisseau aux territoires du Sud.

Je ne pense pas qu’ils aient les moyens de l’acheter.

Mais s’ils les avaient ?

Alors, ce serait formidable. Je commence à douter sérieusement pouvoir le finir faute de substention. C’est un chef d’œuvre de technologie mais personne ne voit l’utilité d’un vaisseau d’une telle taille et c’est vrai que pour un déplacement planétaire, c’est peu utile. Si je peux faire affaire avec eux, tant mieux et puis tu dis toujours qu’ils ne commercent pas assez..

Pour ensuite qu’ils s’en servent contre nous ?

Myke se mit à rire. Contre nous comment ? Il ne s’agit pas d’un vaisseau de guerre. Il n’a aucune arme et il est trop lourd et pas assez maniable lors d’un conflit. Allez Syliss, ne joue pas leur jeu en les laissant te faire croire qu’ils sont autres choses que de petits parasites inoffensifs.

Je hochais la tête. Ce pouvait vouloir dire oui ou non. La présidente m’avait mis la puce à l’oreille en me disant qu’une guerre contre eux ne tournerait pas à mon avantage. Il fallait absolument que j’en sache plus. Je devais demander une audience dès demain. Si vraiment il y avait là plus que des suppositions fondées sur rien, je devais être mis au courant. Mais pour l’heure, ce qui m’importait, c’était de passer à d’autres sujets de conversation. J’avais suivi Myke dans son bureau et nous parlâmes de sujets plus reposants. J’évoquai mes soucis avec Ounis et son désintérêt pour tout. Myke me rassura en parlant de ses enfants qui, après une période difficile, avaient fait de bonnes études et de bons mariages. Il revint sur son prototype de propulseur spatial se prenant à rêver que si les territoires du sud étaient sérieux à travers la proposition de Sérénit, ils pourraient le tester pour lui. Après tout, s’ils se perdaient corps et bien dans l’espace, il pleurerait plus son vaisseau que ses hommes. Je préférai dévier la discussion sur la santé de son épouse et évoquait la dure journée qui m’attendait le lendemain pour prendre congé.

Tu es sur cette histoire de dragon ?

Ses yeux pétillaient comme ceux d’un gamin. Il prenait toujours soins d’éviter de me poser des questions sur mon travail. Il savait que je ne pouvais pas lui dévoiler grand-chose. Pour autant, sur ce sujet, il n’y avait rien à cacher. Il n’y avait rien tout court.

Oui, lui dis-je, outre les dégâts à gérer, impossible de comprendre comment cet animal a pu arriver sur l’île. Aucun vaisseau n’a la taille nécessaire pour le transporter.

D’où l’idée qu’il aurait fait halte sur la plate forme pétrolifère ?

La plate forme ? Qu’est ce que tu racontes ?

Ce n’est pas de ça que te parlait Sérénité avant de partir ?

Qu’est ce que ? Ha oui, peut-être. Mais non. S’il s’était posé sur la plate forme, il aurait tout saccagé, on en aurait eu vent.

Par qui ?

Bonne question. La plate forme était sous la direction des clans du continent et ils n’étaient pas toujours prêt à nous tenir informé préférant se débrouiller seul plutot que de faire appel aux parasites que nous sommes. Pourtant, cette plate forme gigantesques, c’est nous qui l’avons crée pour eux. Mais leur niveau de reconnaissance pour tout ce qu’on a pu leur apporter frise la température de leur beaux jours, je veux dire frise le zéro absolu. Pour autant, nous avions quelques espions dignes de confiance.

Je dis au revoir à Mike sur le seuil de son bureau. La soirée était bien avancée et le bâtiment s’était vidé. Ma seule envie était de rentrer chez moi mais j’ai une conscience professionnelle bien trop aiguisée, ça me perdra.

Je bifurquai vers le labo. Il restait une lumière dans le hall d’entrée. La porte vitrée était fermée. Je frappai et le garde de service leva la tête de son écran. Je plaquai ma carte contre la vitre. Il se décida à se lever de mauvaise grâce et s’approcher. Après avoir déchiffré ma carte, il releva le buste et ouvrit porte. Je ne le laissai pas parler et me dirigeai vers les écrans. Comme je le pensais. Il y avait là diverses vues des laboratoires ainsi qu’une série de fiction que je suis obligée de subir quotidiennement car mon fils a décrété qu’elle était géniale et qu’il ne pouvait en rater un épisode.

Le garde avait entamé ses excuses expliquant que les gardes de nuit étaient longues et que de toute façon personne ne pouvait s’introduire dans le bâtiment sans passer par la porte d’entrée et que s’il restait braqué sur la surveillance des labo, il s’endormirait.

Je ne dis rien. D’un coté, il n’avait pas le droit de se laisser distraire, d’un autre, il avait raison et à sa place, j’aurais fait pareil. On voit tous les labos ici ?

Non, uniquement ceux de cet étage.

Et celui du sous-sol ?

Celui du Syhy Myke. Il n’a pas d’écran évidement. Jamais le Syhy Myke n’accepterait que quiconque ait une vision de son labo.

Ca ne m’étonnait pas de Myke ça. Donc il n’y aucune surveillance de son labo. Si il y a une caméra mais les enregistrements ne sont pas visionnés. Ils ne sont là que en cas de problème.

Je souhaiterais avoir ses enregistrements.

Pourquoi ?

C’est vrai que ma demande était inhabituelle. Il était rare que je me serve de mes privilèges de chef de la sécurité mais cette fois, ce fut avec un certain plaisir que je dis : Parce que je vous le demande. C’est une raison suffisante.

Oui chef dit-il. Mais les enregistrements ne sont gardés qu’une semaine et…

Bien mettez moi la semaine et transférez-là par le réseau interne sécurisé.

Cela étant fait, afin de finir la journée de travail et de passer à autre chose, je laissai un message que mon assistante aurait la joie de trouver à son arrivée. Elle sera ravie que je lui demande de vérifier personnellement la présence de Sérénit. Ca n’entrait pas dans ses attributions mais je voulais rester discret. Vérifier ses bandes dans notre labo, cela voudrait dire une multitude de personne qui aurait accès à la vision du labo de Myke et il n’apprécierait pas. En plus je préférais garder mes suspicions sur Sérénit pour moi. Il y avait suffisamment de tension ainsi.

Quand je rentrai ma femme était déjà couchée et Dhaïs aussi. Mon fils ruminait dans le salon devant un cours interactif. Je savais pertinemment qu’il regardait une niaiserie et était passé sur ses devoirs dès qu’il avait entendu la porte d’entrée mais je préférai feindre de m’être fait avoir plutôt que de me disputer avec lui.

Ca va lui demandai-je. Question stupide, rien ne va jamais avec lui.

Il soupira. Je ne peux même pas aller voir mes copains.

Pour entendre ça, je préférai monter me coucher. Si ta mère t’a interdit de sortir c’est qu’elle avait ses raisons.

Je le laissai se plaindre comme quoi j’étais faible, que je ne savais rien de ce qu’il se passait sous mon toit, Toit qui était d’ailleurs très moche. Je n’entendis pas la suite, j’étais déjà monté. Ma femme dormait déjà. C’est vrai qu’on ne faisait guère que se croiser. Je me glissai dans le lit sans la réveiller. J’étais déçu, j’avais deux ou trois questions à lui poser. Bien sur, ça pouvait attendre le lendemain matin et je n’allais pas la réveiller pour si peu mais du coup, impossible de m’endormir. Je passai un bras autour de sa taille tendrement. Elle marmonna quelques mots dans son sommeil.

Désolé, je ne voulais pas te réveiller.

Elle grogna encore, se retourna prête à se rendormir.

Ma chérie, je me demandai, tu n’as pas eu de nouvelles de tes parents.

Au milieu d’une phrase totalement intelligible je perçu deux mots. Semaine et dernière.

Et ils ne t’auraient pas parlé d’un incident sur la plate forme pétrolière ?

Elle leva la tête.

Qu’est ce que tu me demandes au milieu de la nuit toi ?

Je me posais juste des questions, il ne t’a rien dit à ce sujet ?

Non, bien sur que non par contre il m’a dit que Gurta était enceinte de son quatrième.

Mauvais sujet ça, c’était un coup à dévier sur le fait que je n’étais pas chaud pour faire un troisième enfant alors que toutes ses cousines avaient au moins quatre enfants.

Elle laissa retomber sa tête. De toute façon la plate forme n’est jamais utilisée en cette saison.

Quoi ?

Mais qu’est ce que tu as ce soir ?

Pas utilisée pourquoi ?

Mais parce que les courants ne s’y prêtent pas

Pourquoi tu me poses toutes ses questions ?

Tu veux dire qu’elle est déserte ?

Sans doute pas, il doit y avoir une patrouille de surveillance et d’entretien. Mais quel intérêt ?

Non rien.

Tu me réveilles au milieu de la nuit, tu me fais subir un interrogatoire et ensuite tu oses me dire que ce n’est pour rien !

Evidemment, je ne pouvais espérer m’en tirer si facilement. J’aurais dû attendre la lendemain.

Chapitre 11

Je rentrais tard chez moi. Je ne saurais dire pourquoi, je m’étais senti obligé de vérifier les élucubrations de Sérénit aussi j’avais fait venir Millie. J’avais confiance en cette fille et je ne voulais pas ébruité la folie de Sérénit. Elle serait discrète. Elle me suivit sans poser de question ce pour quoi je lui suis redevable, je n’aurais su quoi lui dire. Elle m’accompagna jusqu’à la clairière où nous fumes accueilli par un membre de mon équipe.

La clairière avait été délimitée afin d’empêcher les curieux de venir. Je plissai les yeux sous le soleil et tentai de regarder le site suivant les dires de Sérénit ; Au sujet de ses descriptions, ca correspondait. Il avait du au moins préparer son discours en venant ici.

Millie, tu avais dit que le dragon s’était couché.

Oui, devant la grotte.

D’accord.

La souche d’arbre, je la repérai facilement, il n’y en avait qu’une et le reste du terrain avait été désherbé pour les cultures. Je m’en approchai. Il y avait bien un espace dessous. La terre avait été tassée, je me glissais à l’intérieur et me griffai. Je tatai l’écorce et dit à Millie de m’apporter de la lumière. Elle s’exécuta et à force d’inspection, je réussis à retirer un minuscule morceau d’étoffe pris dans le bois. Je le tendis à Millie. Pour analyse. Elle le plaça délicatement dans un tube à essai sans poser de question puis, pris d’une impulsion, elle demanda voulez-vous que je fasse les analyses moi-même ?

La question me surprit pourquoi lui demandai-je.

Elle haussa les épaules. Vous me demandez de venir, vous ne prévenez personne et ne dites rien de ce que vous cherchez. Je me dis que peut-être les résultats de ses analyses ne doivent pas être divulgués.

Elle était vraiment bien cette petite. J’hésitai encore mais il fallait bien que je fasse confiance en quelqu’un. Faite ca discrètement. Et tant que vous y êtes renseignez vous tout aussi discrètement afin de savoir si personne n’aurait aperçut le légat Sérénité la nuit où le dragon est passé.

Une étincelle éclaira son regard mais le professionnalisme prit le dessus. Elle avait décidé que cette mission était sa chance pour réussir à faire autre chose qu’observer des lézards se dorant sur une plage et elle s’aquiterait de sa tache au mieux. Aussi elle se contenta de dire oui Chef. Sans me poser la moindre question.

Je rentrais à la nuit tombée pour entendre ma femme me parler de choses totalement incompréhensibles. Une histoire selon laquelle quelqu’un du bureau serait venu à mon domicile dans l’après-midi pour qu’elle me transfère la tenue d’une réunion pour le lendemain mais qu’elle ne devait pas m’appeler pour en parler car le réseau n’était pas sûr et que personne ne devait savoir. Elle même ne savait rien de plus, ni le but ni l’origine de cette réunion. Je maudis donc les responsables de cette farce qui auraient dû en premier m’avertir plutot que d’organiser n’importe quoi derrière mon dos. Je devinais dès le lendemain matin la raison de cette réunion dans une rumeur qui me parvint assez vite comme quoi certains voudrait couper tout contact avec les territoires du sud. J’attrapai au passage les rapports de Millie, y jetai un rapide coup d’œil et entrais donc dans la salle de réunion certain qu’il s’agissait encore de quelques frasques de Sérénit sans conséquences mais je me devais d’être présent, surtout pour réprimander les auteurs de cette mascarade. Je saluai deux personnes qui étaient déjà présentes et discutais à voix basse. Et scrutai les détails de la pièce. Voyons, si j’étais Sérénit. Jeune Bon à rien mystique mais toujours au courant de tout et si j’avais eu vent d’une réunion secrète auquel je n’étais pas conviés, où aurais-je placé les mouchards. Il ne me vint pas à l’esprit qu’il pourrait ignorer cette petite sauterie et encore moins qu’il respecte cette intimité. Je trouvai le micro assez vite à l’intérieur d’une hampe d’orchidée. Meurtrir les plantes pour y insérer des mouchards était tout à fait son genre. J’ôtai le micro et le brisai discrètement sous mon talon cherchant négligemment un autre sans conviction. En mettre plusieurs était moins discret et le seul fait d’en avoir trouvé un aurait suffi à changer de salle et a faire fouiller celle-là de fond en comble. Ce n’est pas ce que je commandai. Pour ma part, je trouvai cette stratégie de bonne guerre. Je ne m’attendais cependant pas à voir entrer la présidente elle-même, pourtant c’est ce qui arriva. Tout le monde se leva à l’entrée de la Syhy Mayana Veyasityl.

La présidente passa très digne au milieu de nous et je me décalai pour lui laisser la place. Pourtant, ce n’est pas elle qui prit la parole. Joluy se leva et réclama le silence.

Je compris que c’était lui l’investigateur de cette réunion. Comme je l’avais deviné, il proposait de couper les accords avec les territoires du sud ou tout au moins de renvoyer Sérénit chez lui. Ses motifs, non seulement Sérénit n’avait pas lever ne fut ce que le petit doigt pour chercher à améliorer les rapports entre nos deux peuples mais en plus ses comportements n’avaient comme seul but l’espionnage.

Je laissais les différents partis se chamailler entre eux. Pour la première fois, j’assistai à une réunion en restant totalement passif. J’aurai été incapable de prendre part ni d’un coté, ni de l’autre.

Quand on proposa un vote pour décider du sort de Sérénit, je me décidai à intervenir.

Non, on ne touche pas à Sérénit. Nous avons suffisemment de problèmes ainsi sans rajouter un scandale diplomatique avec les territoires du sud.

Kiola intervint. Il ne s’agirait pas de couper entièrement les ponts avec eux, leur gouvernement pourrait nous envoyer quelqu’un d’autre pour le remplacer.

Non, ils risquent d’être très vexé si on renvoie Sérénit et ce n’est pas le moment de les vexer.

Mais Sérénit est complètement cinglé. Reprit Kiola.

Ca suffit. La voix de la présidente coupa court à la discussion. Kiola, c’est toujours du légat dont nous parlons, veuillez parler de lui avec un autre langage.

Quelqu’un voulut répliquer mais la présidente intimma le silence. Je réfléchirais à la situation mais une décision hative me paraît mal venue aussi, je suggère qu’on ajourne la séance.

Une suggestion de la présidente, c’est un ordre déquisé. L’assemblée se leva, salua puis sortit par petit groupe. Je n’aurait pas été le dernier à partir si la présidente ne m’avait pas fait un signe discret. Je rassemblais mes affaires avec soin pour être plus lent et la présidente me présenta un fauteuil quand la salle se fut vidée.

Syliss, je voudrais votre avis.

Mon avis sur quoi ? Syhy présidente

Votre avis sur cette affaire, sur le légat du sud. Vous n’avez pas ouvert la bouche

Je me décidai pour la franchise. Si je n’ai pas ouvert a bouche c’est que je n’ai pas d’avis sur la question. Tout ce que je peux dire c’est qu’il ne faut pas agir à la légère. Sérénit fait partie de la haute noblesse du sud et le renvoyer comme un vulgaire ouvrier qui ne ferait pas l’affaire peut être très mal pris.

La présidente hocha la tête. Vous l’avez pas mal côtoyé m’a-t-on dit et il paraît vous tenir en grande estime.

Je ne pus retenir un sourire. Le légat n’a jamais estimé autre chose que lui-même. C’est peut-être d’ailleurs là une partie du problème.

Une partie ? Et le reste du problème, ou serait-il ? Que pouvez-vous me dire des allégations concernant de potentiels troubles mentaux.

Je marquai une pause afin de peser mes mots autant qu’elle avait pesé les siens.

Je dois admettre que certaines affirmations de Sérénit, en particulier durant les derniers mois, m’ont laissé à penser qu’en effet, il n’avait pas toute sa tête. Cela dit, outre certaines tendances mystiques et un plaisir à la fabulation, je ne crois pas que sa raison, soit altérée. Il a eut, il est vrai avec moi une discussion pas plus tard qu’hier qui m’a fait sérieusement douté de sa raison pourtant, après vérification, il se trouve, qu’au moins une partie de ses dires ont pu être confirmées.

Sérénit était dans la clairière la soirée où le dragon s’est posé ?

Vous le saviez ?

Non, mais ça ne m’étonne pas. Vous aurez sans doute remarqué que Sérénit est toujours là où il se passe quelque chose.

Son discours à ce sujet est resté plutôt nébuleux, je l’admets mais des témoins l’ont aperçu rentrant chez lui tard dans la nuit, les vêtements déchirés et la démarche mal assurée, j’ai retrouvé aussi des fibres textiles provenant assurément du sud.

Et n’aurait-il pas pu la mettre après ?

Le site est surveillé. Cela dit, je n’exclue pas cette possibilité.

Je me décidai à raconter en détail à la présidente le discours que m’avait tenu Sérénit. Elle serait libre d’en tirer les conclusions qu’elle voudrait. Je finis en lui montrant le petit espion et ne lui cachait pas que ce n’était pas le premier que je trouvai de la sorte.

La présidente soupira. Croyez-vous que le légat peut nous aider dans l’affaire des enlèvements ?

Sérieusement, non. Il n’en sait pas plus que nous.

Elle me regarda droit dans les yeux ; Ecoutez moi bien Syliss et retenez bien ce que je vais vous dire.

Premièrement, je ne crois pas que Sérénit soit fou, je crois même qu’il n’a jamais été plus sain d’esprit que lorsqu’il vous a fait part de cette aventure.

Deuxièmement, et ça, je ne veux pas que ca sorte de ce bureau mais je suis convaincue et cela, en m’appuyant sur des simulations sures que si une guerre éclatait entre les territoires du sud et nous, c’est eux qui gagneraient.

Je me permets de ne pas être aussi catégorique. Leur technologie est limitée.

La présidente me coupa aussitôt. Ne sous estimez jamais Sérénit. Contrairement à ce qu'il parait, il n'agit jamais pour lui mais uniquement suivant les ordres des supérieurs de son pays. Ces petites histoires de mouchards sont bien ce qui me fait le moins peur chez lui. Il cherche la provocation. Il nous pousse à bout. Il cherche l’affrontement mais il est bien conscient qu’il est en position de force.

Imaginons, de toute façon ; j’ai bien l’intention a ne pas laisser la situation s’envenimer avec le Sud. Auriez vous certains conseils à me suggérer ?

J’ignore ce que manigance Sérénit mais, comme je vous le disais, il est toujours là où il se passe quelque chose.

Vous suggérez que je le fasse surveiller ?

Non, il le remarquerait.

Je peux trouver des hommes discrets.

J’ai dit non. Par contre, étudiez tous les lieus où il a pu se trouver ces derniers temps en dehors de ses obligations officielles.

Bien, ce sera fait.

Et au sujet du dragon ?

Nous avons perdu sa trace au dessus de l’océan.

Un animal de cette taille ne peut voler jusqu’au continent.

Il est bien arrivé jusqu’ici.

La présidente marqua une pause. Toute la journée avait été consacrée a répertorier les dégâts causés par l’animal. Personne n’avait encore osé exprimé à voix haute le cœur du problème : Comment cet animal avait-il pu arriver ici ?

Vous avez répertorié tous les bateaux de grandes tailles ?

Suffisamment grand pour contenir un dragon ! Ca n’existe pas, encore moins un avion et dans tous les cas, ce serait supposer que quelqu’un aurait pu enfermer un tel animal.

Vérifier quand même Syliss.

Bien présidente

Chapitre 10

« Et les animaux ?

- Pardon ? Je suis fatigué, je ne sais plus ce que je disais. Sérénit est en face de moi. Il attend. Je reprends le fil de mes idées. Nous parlions des enlèvements. Je secoue la tête, j’ai du mal à me remettre les idées en place. « oui, je sais, ca n’a pas de sens. Une théorie fondée sur rien. De toute façon, nous n’avons rien. Nous l’avons suivi quelques temps afin de recenser les témoins ayant vu des bêtes quelqu’elles soient mais c’est vite devenu absurde. Bien sur, on peut toujours trouver une fourmi sur les lieux et ce n’est pas si peu qui nous fera avancer.

Pour une fois, le légat ne se moquait pas. Cette théorie absurde qui avait fait ricaner tout mon personnel, il la prenait en considération. Il n’est pas normal ce type.

« On ne parle pas de fourmi mais aussi d’aigle et de loup»

J’avais été flatté que le légat tienne compte de mes remarques, maintenant, je me méfiais. Il partait dans des lubies pires que les miennes.

« Non, il ne s’agit pas de témoignages fiables.

- Evidemment, si vous mettez toutes les informations qui ne satisfont pas votre esprit étriqué de coté, vous allez avancer. »

Savez-vous que de nombreuses civilisations associent les Dieux a des animaux ? Ainsi les peuples des sables les représentent avec un corps humain et une tête d’animal et dans nos annexes aussi il y a des Dieux tapir, des Dieux serpents. Nous prenons grand soins de laisser les peuples de nos terres annexées invoquer tout et n’importe quoi. Ca leur fait du bien. Mieux vaut qu’ils passent leurs temps à prier des tapirs plutot qu’à fomenter une révolte.

- Si vous avez des informations, de quelques ordres que se soit, vous allez me les donner et je ne veux plus d’élucubrations mystiques.

- D’accord. Il y a quelque chose qui s’approche et je crains que ces enlèvements ne soient que le prémices de quelque chose de bien plus important

- Quoi ?

- Je l’ignore. Sans doute quelques chose en rapport avec l’astre rouge.

- Nibiru ? J’avais dit plus de mysticisme.

- Je ne parle pas de mysticisme mais si ce truc approche trop près de nous, ca risque de faire des dégâts et cela n’importe quel physicien vous le dira.

- Nos physiciens le savent et ils sont aussi capables de s’en prémunir.

- Vous et toutes vos terres annexées ?

Je ne réponds pas. Bien sur que non. Je sais que ce truc fera des dégâts et qu’on ne pourra sauver tout le monde. « pourquoi ? Vous avez besoin d’un peu d’aide ?

- Nous merci, on se débrouille. Ce qui m’inquiète, ce sont les puissances incontrôlables que ce truc peut nous amener. Il y a déjà quelque chose ici. Quelque chose de mauvais et de puissant qui se joue de nous.

- Vous ne pourriez pas être plus clair ?

- Non.

- ho si, vous allez faire un effort.

Le légat se perdit dans un profond soupir.

Je vous ai dis que je pensais que les dieux existaient, enfin qu’il existait quelque chose de non humain et, il y a quelques jours, je pense avoir réussi à trouver une de ses créatures.

C’est cela oui. Au point où nous en sommes, vous pouvez me dire ou et quand ?

Lundi dernier dans une grotte surplombant les champs de Fayi.

Tiens, comme par hasard, là où se baladait le dragon. Et je suppose que vous étiez sur son dos et que de là, vous avez aperçu la triade divine vous faisant coucou.

Non dit-il agacé. J’étais à pied et je suivais le dragon.

Bien sur, et pourquoi suivre un monstre ?

Pour trouver celui qui l’appelait.

Qui appelait qui ?

Le dragon.

Parce que quelqu’un appelait le dragon ?

C’est évident.

Bien sur, de mieux en mieux. Donc, vous avez suivi tranquillement, avec vos petites jambes, un dragon volant à toute vitesse. Mais vous ne l’avez pas perdu de vue et êtes arrivé jusqu’à la clairière.

Ce n’est pas vraiment la bête que j’ai suivi mais l’appel qu’on lui lançait.

Parce que quelqu’un appelait ?

Evidemment , je vous l’ai dit.

Pardon, c’est vrai, j’avais oublié. C’est que, personne n’a entendu le moindre appel sauf vous et…

Vous allez me laisser finir Syliss !

Excusez moi légat lui dis-je me redressant et lui faisant un léger salut. C’est vrai qu’au milieu de toutes ses élucubrations, j’avais oublié que je m’adressais à un supérieur et que je lui devais au moins un semblant de respect même s’il ne le méritait pas.

Donc, vous suiviez un mystérieux appel inaudible qui vous a conduit jusqu’à la clairière et là, qu’avez-vous vu ?

J’ai vu Ninhoursha.

Pardon ? Si j’avais fait passer l’info concernant le semblant de temple trouvé là bas, je n’aurais pas été surpris mais ce détail, je ne l’avais pas divulgué. Je trouvais que les esprits s’échauffaient suffisamment sans que j’en rajoute avec un détail inutile.

Donc, vous vous êtes retrouvé dans un champ avec un dragon et une femme qui s’est présenté comme etant la déesse Ninhoursha.

Non, bien sur. Je suis arrivé à la clairière et me suis tassé dans les buissons en contrebas. Il y avait une fille à l’entrée de la grotte et le dragon était couché devant elle. Elle lui disait de rejoindre la cité.

Parce que du bas de la colline vous entendiez ce qu’elle disait.

Oui, a travers le dragon.

Légat, je ne comprends rien, reprenez. De quelle ville parle-t-on ?

Je ne sais pas de quoi elle parlait mais j’ai vu cette ville comme si je l’avais devant moi. Une cité blanche perdue dans la jungle et j’ai vu Désir, la petite qui a disparu. Elle m’a vu aussi puis le dragon a coupé le contact. Il a du repérer ma présence ; Alors, la femme s’est fachée. Elle a envoyé le dragon sur moi. J’ai dévalé la colline à toute vitesse et j’ai réussi à me dissimuler sous une souche. Il a tourné plusieurs fois autour de la clairière. La femme hurlait qu’il devait me retrouver puis elle a laissé tomber et lui a dit de partir.

Quand j’ai osé bouger, la clairière était déserte. J’ai attendu encore deux heures sans sortir de ma cachette puis j’ai rampé dehors. Je ne voulais qu’une chose s’est rentrer chez moi. Mais je suis monté jusqu’à la grotte. Là, j’ai vu au sol la marque de la déesse des plaisirs, celle que vous nommez Ninhoursha et ses fleurs et j’ai compris qu’il s’agissait bien d’elle puis je suis parti, je suis rentré chez moi et j’ai dormi toute la journée.

Je ne savais pas quoi dire, Sérénit n’avait jamais été totalement sain d’esprit mais là, il avait franchi un grand pas vers la folie. Faudrait faire quelque chose. Je décidai de ne pas le contrarier sur le moment. Trop risqué. Bien lui dis-je, je rajouterai ça au dossier.

Vous ne me croyez pas ?

J’essayez de lui dire que si mais je m’étranglais et préférais ne pas répondre.

Vous savez si peu de chose avec votre petit esprit restreint bloqué par deux œillères cria-t-il en tapant du poing contre la table. Je pourrais vous forcer à me croire. Je pourrais vous forcer à faire tout ce que je veux.

Il hésita et se leva en faisant un ample geste. Sortez Syliss.

Je regrettai de n’avoir pas réussi à mentir avec conviction. J’aurai voulu me rattraper mais c’était trop tard. Je partis à reculons, m’inclinai encore à la porte et la franchis.


Chapitre 9

Parfois, j’ai l’impression qu’avec Sérénit, on joue au chat et à la souris. A mon plus grand dam, il prend trop souvent le rôle du chat et je n’aime pas avoir celui de la souris. Ca fait cinq ans que je suis le chef de la sécurité. Je fais du bon boulot. Même les sénateurs me respectent. Je ne me laisserais pas acculer par un simple ambassadeur d’où qu’il vienne. Il serait tant de leur rappeler qu’il ne faudrait pas longtemps pour réactivé nos missiles que ce n’est pas avec leur arrogance qu’ils les arrêteront et je me vante d’être très patient. Aujourd’hui, c’est moi le chat. Encore cinq disparitions, aucun indice et il se pavane en insinuation. Si vraiment il a des informations plus concrètes que ses allégories mystiques, il va me les sortir et vite. Je prends la plate-forme d’élévation mais je n’ai pas appuyé sur l’étage 49 mais sur l’étage 50. Une voix artificielle m’a demandé le code d’accès. J’ai récité les chiffres. Quelques secondes plus tard, je débarquais dans le grand hall du sommet de la tour de la sécurité. Moquette blanche immaculée, grande verrière, collection de plantes exotiques et même une musique douce. Une secrétaire s’avance tout sourire. « Bonjour chef, vous désirez quelque chose ? «

Elle est étonnée. C’est vrai que je monte rarement jusque là. « Un rendez-vous avec le légat Sérénit.

- Rien que ça. Attendez, je prends son emploi du temps ». Elle passe derrière un bureau perdu au milieu des plantes et se connecte au serveur ses lèvres murmurant à peine, elle quitte bientôt son écran et m’adresse un sourire. Le mois prochain j’ai… »

Je ne l’ai pas laissée finir, elle avait autre chose à faire que perdre son temps et moi de même.

« On s’est mal compris, je veux parler au légat de suite. »

Elle ouvre des yeux ronds et bafouille quelque chose. Je suis conscient que je la mets dans une situation embarrassante, coincé entre le chef de la sécurité et le légat Sérénit. Elle hésite. En général, dans ces cas-là, les gens ont pour habitude d’obéir à la personne qu’ils ont en face. Les absents sont moins à craindre. Ma petite théorie ne semble pas se vérifier aujourd’hui. Elle repart sur la toile du réseau : « Si c’est urgent, je peux peut-être vous intercaler entre deux rendez-vous la semaine prochaine. Je vérifie. »

Je la laisse vérifier à son aise. Pendant ce temps, je me dirige droit sur le bureau du légat et j’ouvre la porte sans frapper. Je tombe sur un salon immense baigné dans la lumière du soleil par de belles baies vitrées. Ici, le moindre objet semble sortir d’une exposition d’art. C’est un étalage de richesses disproportionnées. Encore un stratagème pour épater la galerie. Je ne me laisse pas avoir. Tout ce que je remarque, c’est que ce bureau ne doit pas être fonctionnel. Sérénit était en grande discussion avec, un des plus éminent sénateur décisionnaire de l’île. J’avais mal choisi mon moment pour faire de l’esbroufe. Il s’était tourné vers moi, son étonnement se muant trop vite en contrariété tandis que Sérénité, fidèle à son nom se contentait d’observer la scène, les coudes sur sa table de travail, les mains à la hauteur du menton, et un léger sourire au coin des lèvres.

« Syliss sortez immédiatement ! »

Voix mielleuse de Sérénit : « Voyons sénateur, vous parlez au chef de la sécurité. S’il se permet de venir interrompre notre entretien avec un tel manque de tact, je ne doute pas que la sécurité votre chère île que j’affectionne tant en dépend.

- On peut dire ça ainsi oui. » Je fixais Sérénit d’un air dur en serrant les dents. On ne peut pas dire qu’il prenait vraiment mon parti, le sénateur ne manquerait pas de me demander des explications. En plus, il ne semblait pas décidé à partir.

« Allons sénateur, nous reprendrons cette discussions plus tard, je vous ferais mander ». D’un geste du bras, le légat congédie un des dix hommes les plus importants de l’île comme s’il s’agissait d’un vulgaire esclave du continent et à mon plus grand étonnement, malgré le comportement irascible du sénateur, il ne bronche pas.

Une fois la porte refermée, j’ai l’autorisation de m’asseoir. Trop bon le bougre, c’est louche.

« Dites-moi tout Syhï Silicium, qu’est-ce qui vous amène ? Vous cherchez des conseils pour décorer votre appartement ? »

C’est qu’il me narguait en plus. Il devait s’amuser rien qu’a penser à la déculottée que j’aurais droit en sortant d’ici. Elle serait moindre que si en haut lieu ils savaient ce que je m’apprêtais à faire. Sérénit avait porté un verre à ses lèvres. C’est pas vrai, il était à peine dix heures. Je pensais qu’à cette heure-là, je pourrais l’avoir a jeun.

« C’est de l’eau » dit-il comme en réponse à ma question informulée.

Je me sens bête tout d’un coup. Moi qui me vante sans cesse d’éviter tout jugement, voilà que j’imagine n’importe quoi.

Les pilotes revenus du sud se sont tous mis d'accord pour le même récit incohérent.

Il me regarde comme s'il ne voyait pas du tout de quoi je parlais.

Les hommes que vous avez abattu au dessus du Sud.

- On a abattu personne.

Oui en effet, ils m'ont dit avoir été obligé de se poser tous les 5 pour le même problème technique et ensuite avoir été laché dns la nature sans être questionné.

- Ben vous voyez dit-il en laissant retomber sa tête sur un écran.

- Je constate en effet que vous nous dissimulez certaines de vos technologies. 5 avions n'ont pas le même problème ensemble.

- Vous êtes venus juste pour m'insulter avec des insinuations ?

- Non avouai-je. A vrai dire je ne pensais pas évoquer ce fait avant d'en savoir plus. Je m'étais laissé emporter

Je sors ma pile de document et la pose brusquement sur la table. Il repose son verre, tourne le paquet face à lui, y jette un coup d’œil, ébauche un nouveau sourire, feuillette un petit peu et pour la première fois, je sens poindre en lui quelques fragments d’émotion. Il est satisfait, c’est à cela qu’il souhaitait arriver.

Il passe les doigts sur son communicateur, le visage de la secrétaire d’entrée apparaît. Il change d’expression, prend un visage charmeur, ses yeux brillants soudain d’une lueur malicieuse. « Maya, annule tous mes rendez-vous de la journée. »

Sur l’écran le visage prend une expression inquiète. « Vous avez rendez-vous avec le couple présidentiel en début d’après midi au sujet de la mise en place des système de télécommunication entre l’île et les territoires du sud, je ne peux annuler.

- S’il te plait Maya, obéis, reporte ça a une date ultérieur, le plus loin possible.

- Mais. »

Le ton mielleux du légat disparaît remplacé par une autorité incontestable « Si ca ne te convient pas tu n’as qu’à leur dire que je ne veux pas de ses appareils, de toute façon ce sera la conclusion de l’entretien.

- Je ne peux pas.

- Alors annule.

- Bien Légat Sérénit. » L’écran devient noir à nouveau. Un soupir. « Je n’aime pas ses appareils. Vos concitoyens, si on ne les a pas en face, il faut toujours qu’ils discutent inlassablement, encore, et encore ».

Je voulais faire le fort, mais j’allais me faire avoir. Bien sur, je voulais cet entretien mais je commençais à me rendre compte des conséquences. Sérénit ne manquerait pas de claironner à qui veut l’entendre que j’étais la cause de ses changements de programme.

Il me fait glisser à nouveau les feuillets vers moi. « Dites moi tout. » Je regardais les rapports. Une bonne centaine de page. Rien en fait pour un dossier de cette importance. Les fiches des personnes disparues, les dépositions des témoins, les pistes déjà parcourues qui se sont avérées vaines. Je ne savais pas par quel bout commencer. Et puis surtout, si j’étais là, c’est pour qu’il me donne des infos, pas pour que je lui en donne. Je levais la tête vers lui pour lui faire cette remarque. Il soutient mon regard. « Dites moi tout répéta-t-il.

- Et je lui dis tout.

Chapitre 8

Qu’est ce qui peux arriver de pire après une rude journée de travail ? Réponse rentrer chez soi et trouver tranquillement installé dans votre salon votre fils de quinze ans avec le légat du sud.

Là, on n’a pas le temps d’être étonné. On s’inquiète. Je pense être devenu blanc et être resté sur le seuil de mon salon, la bouche ouverte, bien trop longtemps. Mon air de poisson frit a particulièrement contenté Sérénité et je n’avais pas envie de le contenter. Aussi, je me suis repris. J’ai débité les formules d’usage. Je n’ai pas eu le temps de lui demander la raison de sa présence en ses lieux, mon gosse est intervenu.

« Pa, tu savais que dans le sud ils peuvent avoir plusieurs femmes ? »

Je grinçais des dents. « leurs femmes batifolent avec tout le monde. Si c’est ça qui t’intéresse mon fils. »

Ses yeux pétillaient toujours. A son age ce sont les hormones qui parlent, pas la raison.

Je fusillais Sérénité du regard ce qui parut ne pas lui faire plus d’effet qu’un moucheron à l’autre bout de la pièce. Pas impressionnable pour un sou celui-là. Qu’est-ce qui lui prenait de raconter de telles sottises à mon fils.

« Légat Sérénit, est-ce vrai que la magie dirige les territoires du sud ? »

Houlà, surtout ne pas le laisser répondre, il serait capable de ne pas démentir juste pour attiser les rumeurs.

« Ounis, dehors

Mon fils est sorti à ma première injonction. C’était bien la première fois qu’il m’obéissait. Il faut dire que je n’avais pas l’habitude de crier si fort. Déjà une bonne chose de faite. Au problème suivant. « Que faites vous là, légat Sérénité ?

- Silicium, vous me semblez avoir perdu votre ton mielleux spécial haute personnalité.

- Je suis chez moi, ici. J’ai fini de bosser.

- Je sais. C’est pourquoi je suis venu ici. Difficile de cerner la personnalité d’un diplomate. »

Pourquoi répondre à ça. Du vent, rien que du vent pour éviter de répondre à ma question. Quoi que je dise il s’en servira pour s’éloigner de ce que je veux entendre.

Je ne veux pas entendre la moindre fabulation de votre part, qu’il s’agisse de dragon ou autre.

- J’admets que vous avez marqué un point là. Je n’ai pas anticipé le fait que vous aviez vu l’animal mais vous auriez vu le regard pétillant du journaliste quand je lui ai dis que je montais à dos de dragon. J’avais envie d’en rajouter juste pour lui faire plaisir.

Je soupirais, le mensonge était une pathologie incontrôlable chez ce type.

Une bouteille était apparue dans sa main. Encore un vieux truc. On monopolise l’attention sur un détail pour faire sortir quelque chose de sa manche. Sa toge est suffisamment large pour en cacher dix comme celle-là. Il y a déjà deux verres sur la table. Sans doute a-t-il commencé à boire avec mon fils. Il me montre la bouteille. Je lui fais non de la tête.

« J’espère ne pas vous offenser en apportant mes propres bouteilles. Je ne doute pas de la qualité de votre bar mais votre île ne sait faire fermenter autre chose que de la piquette de raisin. Et du jus de citron.

- Vous êtes venus juste pour insulter nos viticulteurs ? »

Grand sourire. Il se prélasse dans mon meilleur fauteuil. Dire que j’avais pas mal d’estime pour ce type. Elle est en train de chuter.

« Vous me plaisez Silicium. Et quand vous vous échauffez ainsi, vous me plaisez encore davantage. »

- On m’appelle Syliss.

- Si vous le dites.

Je suis venu vous faire part d’une réflexion. Croyez-vous en l’existence des dieux Silicium ? »

Je m’assois. Sa question est assez inattendue. Je ne doute pas que mes croyances ne sont pas le but de sa visite.

« Non. Foutaise pour ceux qui craignent la mort. »

Il acquiesce mais plus pour signifier qu’il comprend mon point de vue que par réel soutien à ma thèse. Pourtant, jamais je n’ai entendu parler de religion en territoire du sud. Pas de prêtres, pas de temple. Juste leur pyramide mais ils s’en servent pour eux pas pour des divinités. Il ne me laissa pas lui poser la question.

« Moi j’y crois » dit-il.

Un homme du sud pieux. On aura tout vu.

Il sourit. « N’avez-vous jamais entendu dire que nous vénérions la déesse de la mort ? »

Ses yeux qui me fixent, je ne suis pas à mon aise tout d’un coup. Il se met à rire. « Je plaisante, foutaise que cela bien entendu. Nous avons les mêmes dieux que vous. Amusant d’ailleurs de constater que malgré tous nos efforts pour tenir nos peuples à l’écart, nous connaissons les mêmes dieux. Seul les noms diffèrent. Comme vous le savez, nous ne savons écrire de noms abstraits. Vous nommez vos dieux, An Enlil, Enki, Ninhursag. Nous les nommons Origine, Vérité, Substance, Plaisir mais leurs histoires sont les mêmes.

« Dire que je vous croyais libre des prêtres et des devoirs religieux.

- Nous le sommes. Nous y croyons. Ca ne veut pas dire que nous les vénérons. Je crois en votre existence, je ne vais pas vous bâtir un temple pour autant.

- Je comprends mieux. Je voyais mal les fières castes Igigis du sud vénérer autre chose qu’eux même.

Sérénit se lève. J’ignore si je l’ai vexé ou non. J’espère que oui.

- Sortons voulez-vous.

- Non, je n’en ai aucune envie. Vous débarquez chez moi, vous sortez votre philosophie. Très bien, maintenant vous allez me dire où vous voulez en venir. »

« Sortons voulez-vous. » répéta-t-il

Je le suis. Je n’en ai pas envie mais je le fais quand même. J’habite un appartement donnant sur un vaste parc public entièrement clôt. C’est bien pour les enfants. Et puis, on connaît du monde. Souvent mon fils se plaint qu’avec mon statut je devrais avoir une belle villa sur les collines et que je lui fais honte. Je lui rétorque qu’il n’a qu’à me la trouver et s’occuper du déménagement, moi, j’ai autre chose à faire. Il l’a fait. Il m’a trouvé quelque chose de pas mal mais j’ai refusé. Je suis bien ici.

Après quelques pas, Sérénité s’était arrêté. Il fixait le sol. « Regardez » me dit-il. Le soleil m’éblouit soudain. J’ai l’impression de revenir à la réalité. Comme si je sortais d’un rêve.

« Quoi ? »

Il ne répond pas, comme perdu dans la contemplation d’un scarabée qui, les six pattes en l’air, s’évertue sans succès à se retourner. D’un petit coup de talon, il le remet sur ses pattes. La petite bête reprend son avancée. Il ne dit toujours rien.

Je commence à m’impatienter. Il ne m’a toujours rien dit du but de sa visite. « Alors ? »

Il secoue la tête d’un air d’apitoiement. Je viens de tout expliquer et vous n’avez rien vu.

« Alors cesser de vous exprimer par énigme.

- Vous avez vu ce scarabée. Sans moi, il serait mort.

- Vous êtes trop bon.

- Je peux encore le tuer. Il me suffit juste d’avancer d’un pas.

- Pourquoi le sauver pour le tuer après ? Pur sadisme.

- Par exemple mais pas nécessairement. Une impulsion de rage, un accès de folie ou plus probablement un moment d’inattention et je marche dessus.

- Tout ca pour dire quoi ?

- Imaginez que cette bête soit capable de réflexion, que pourrait-elle penser ?

- Vous voulez vous faire passer pour le dieu des insectes ?

- Dans un sens, ce ne serait pas difficile. Imaginons maintenant que pour les insectes nous soyons des dieux, ils auront beau nous louer et nous bâtir des temples de leurs petites pattes, nous ne cesserions pas moins de les écraser eux et leurs temples. Parfois nous en sauverions l’un ou l’autre ? Ceux qui auraient le mieux priés ? Certainement pas, comment aurions-nous conscience de leurs prières ? Non, nous les sauvons parce qu’un jour en batifolant, nous prenons le temps de regarder et étant d’une humeur agréable nous sortons une mouche de l’eau ou nous retournons un scarabée et cela qu’il nous ai prié ou pas. Après nous pouvons aussi les déplacer juste pour apporter une coccinelle à un enfant ou mettre une fourmilière dans un terrarium.

Est-ce que je me fais comprendre ?

- Vous voulez expliquer que vous ne priez pas les Dieux car vous les considérez comme des êtres supérieurs qui n’ont que faire de nous et qui nous traitent comme nous traitons un insecte.

Le visage du légat s’éclaire. « En un sens, Oui, c’est ça.

- Et ce n’est pas parce que vous êtes bien trop prétentieux pour vénérer quoi que ce soit. »

Jamais je n’aurais du dire ça. Je m’étais laissé emporter. Il ne se vexe pas. Il éclate de rire.

« Peut-être aussi un peu pour ça. D’ailleurs, Je n’aime pas le terme supérieur. Différent plutôt. Après tout, certaines tribus primitives voient la punition de dieu dans la maladie alors que nous savons que la cause en est des organismes si infime que la plus haute technologie parvint à peine à les déceler. La puissante civilisation battue par de simples microbes. Quand on y pense, ça a quelque chose de presque comique. Mais, quand on dépasse cet aspect, on se dit pourquoi pas ? Pourquoi n’existerait-il pas d’autres entités venues d’ici ou d’ailleurs, quelques chose de pas encore décelé, de puissant ou tout au moins de différent. Quelque chose que nos ancêtres auraient appelés : dieu. Après tout, ne vous contentez vous pas de copier la technologie d’une civilisation disparue »

Comment ? J’en restais pantois. Les textes Néfilims étaient un des secrets les mieux gardé de l’ile. Du moins personne ne savait l’importance de ces écrits et leur avancée technologique. Pour le commun des mortels, les civilisations néfilims étaient des anciennes tribus vivant sur l’ile avant notre arrivée, point barre. Jamais Sérénit n’aurait dû être au courant

Sérénit me fixe en réfléchissant. Oublie ça me dit-il. Continue à croire que je ne sais rien, c’est mieux. Contente toi de réfléchir à mon histoire de Dieu.

Parce que maintenant, Sérénit voyait une intervention divine dans les enlèvements

J’aurai bien eu envie aussi de lui demander s’il ne se prenait pas aussi pour un être supérieur vis-à-vis de notre peuple mais je n’osais pas aller jusque là. « Pourquoi venir me trouver pour me raconter cela ?

- Votre affaire. Les enlèvements, sans queue ni tête.

- Vous ne suggérez tout de même pas qu’un dieu a enlevé des gens sans raison.

- Non, avec une raison que nous ne pouvons saisir nous simple mortel. »

C’est l’alcool de rose, ça démolit les neurones. Je ne vois pas d’autres explications.

« Pensez y. »

Il avait pressé le pas jusqu’aux grilles du jardin. La nuit tombait très vite et le vent s’était levé.

« Pourquoi me dire ça ? Depuis quand vous intéressez-vous à nos affaires ? »

Il refermait déjà les grilles derrière lui. « Depuis qu’on enlève aussi des hommes de mon peuple. »

Il avait disparu. Il n’était pas parti, il s’était volatilisé. Un instant je le voyais à quelques pas se retournant vers moi, l’instant d’après, plus personne. Là, il avait fait fort. Je ne doutais pas qu’il devait y avoir un truc mais je sentais que je n'avais pas tous mes neurones au top pour le trouver.

Je me sentais un peu perdu. Face à moi, l’astre rouge de Nibiru brillait plus fort que jamais. L’astre qui annonce les catastrophes, l’astre des dieux. Je n’allais tout de même pas jouer aux superstitieux. Je secouai la tête pour me remettre les idées en place. Il y avait des disparitions dans le sud aussi alors. Ca c’était une nouvelle intéressante. Ca me fit sourire. Ceux du sud se vantent de faire régner une sécurité absolue sur leur peuple par un impérialisme qui frise la dictature. Ca leur apprendra. Sérénité divaguait-il complètement avec ses histoires de dieux ? Pourtant c’était un homme brillant. Calculateur, fourbe sans doute mais d’habitude sensé. ou voulait-il lui signifier quelque chose ?

Je suis rentré chez moi. Je n’ai pas pu y réfléchir. Ma femme s’est jeté sur moi pour reprendre ses divagations comme quoi j’étais manipulé par Sérénit, que c’était un sorcier, qu’il influençait les esprits et qu’il n’y avait qu’a avoir une once de bon sens pour remarquer qu’il obtenait toujours tout ce qu’il voulait et qu’on devrait un peu ouvrir les yeux. Qu’après tout ce n’était pas logique qu’on ait un ambassadeur du sud ici et qu’il amène ses femmes et servantes ainsi que des convois entier en provenance du sud alors qu’aucun d’entre nous n’ait ne fut-ce que la possibilité de survoler leur territoire sans se faire massacrer.

J’ai tenté de lui expliquer que si on n’avait pas envoyé d’ambassadeur dans le sud c’est parce que personne ne voulait aller là-bas. Un point c’est tout mais je me suis retenu. Ce n’était pas tout à fait vrai. Une place d’ambassadeur est toujours prisée ou qu’elle soit et les mystérieux territoires du sud font rêver pas mal de monde. Ho, et puis ses discutions ne menaient nulle part. Elle ne s’arrêtait plus. Maintenant elle palabrait comme quoi leur nom reflétait leur personnalité et qu’il suffisait de nommer les trois derniers légat du sud pour cerner leur tactique. Levant un doigt après l’autre, elle récitait : « Discrète, Subtil et Sérénité. La tactique du serpent qui s’insinue partout subrepticement mais sûr de lui.

- Suffit femme. Tes hypothèses sont absurdes et fondée sur rien. En plus, Discrète avait été tout sauf discrète. Je n’ai pas connu ce légat mais le souvenir de ses frasques restent dans toutes les mémoires. Même si son mandat a été bref. Une très belle femme. Déjà un poste si haut placé à une femme ça a fait jaser, de plus jeune, elle devait avoir 35 ans et si ses successeurs ont pris le parti de suivre nos coutumes, elle en prenait systématiquement le contre pied. Ainsi, elle s’habillait suivant la mode de chez elle, autant dire qu’elle était quasiment nue été comme hiver et jamais il ne lui serait venu à l’esprit de se voiler le visage alors que la religion était encore plus ancrée qu’aujourd’hui. Il y a 20 ans, aucune femme ne serait sortie de chez elle à visage découvert. Maintenant, c’est vrai, ca commence à se voir. Peut-être aussi un peu à cause de son influence.

Ma femme grommelait quelques inepties comme quoi c’est une manœuvre standard de diversion. « Alors que tout le monde ne s’occupait que de ses frasques ils avaient moins l’œil à ses tours de sorciers. »

Je soupirai, je n’en sortirais jamais avec elle.

« Ensuite, l’autre vieux serpent de Subtil, toujours à moitié malade et infirme. Jolie excuse pour faire croire qu’il était bon à rien même si entre deux quintes de toux tout le monde lui obéissait comme un chien à son maître et depuis cinq ans, le jeune blanc bec de Sérénit, arrivé a 20ans toujours calme et tranquille, se montrant à chaque réception une bouteille à la main. Au bout de deux mois, il avait été catalogué comme un gosse alcoolique, donc pas dangereux. Il va vous bouffer par l’intérieur. C’est une gangrène cette race-là.

- Tu as passé une bonne journée Ounis ? »

Petite pirouette vocale, mon fils revenait, j’en profitais pour ignorer superbement les propos de ma chère et tendre. Je connaissais déjà la réponse de mon fils, elle était la même tous les jours. Une sorte de grognement dans lequel on pouvait discerner un : « bof » désespéré voir dans ses jours loquaces, quelques réprimandes contre le monde cruel qui l’entourait et l’acculait de tâches indignes de son éminente personnalité que personne ne considérait à sa juste valeur. Quoi que j’allais peut-être être surpris, il respirait la joie de vivre comme je ne l’avais pas ressenti depuis longtemps. Ses yeux pétillaient. Mon âme de père en était réjouie mais mon âme de flic se méfiait.

« le légat Sérénit, il a dit qu’il me montrerait sa maison pour me montrer comment devrait vivre le fils d’un chef de la sécurité »

Tactique pour changer de sujet, échouée.

Et il en rajoutait « il est hyper fort ».

C’était pas pour calmer ma femme : « tu vois Syliss, il vient jusque dans notre maison pour réveiller des forces maléfiques qui pervertissent nos enfants.

- Suffit ». J’avais crié. Ca faisait au moins cinq ans que je n’avait pas crié ainsi mais il était tant qu’on sache qui était le chef dans cette maison : « Ma femme : la sorcellerie n’existe pas.

- Mais le légat Sérénit… »

Je me tournais vers mon fils, il se tut instantanément. Après tout, un accès de colère de temps en temps ça remet les choses en place. » Bien sur qu’il vous manipule, mais pas en utilisant de la magie, ce qu’il utilise, c’est votre crédulité ».

- Ha oui, parce que tu oserais dire que c’est normal qu’on vive dans une résidence entouré de loqueteux alors que tu es chef de la sécurité ! »

Ca y est, mon jeune adolescent cynique était de retour.

C’était le moment de relancer un deuxième cri. » Ounïs dans ta chambre et Dhaïs aussi.

- Mais… »

La petite voix de ma fille s’élevait enfin derrière la porte. « Dans ta chambre j’ai dis, ça t’apprendra à écouter aux portes. » Qu’est-ce qu’elle s’imaginait celle là, que je n’étais pas capable de la repérer.

Ounis est sorti en grommelant des propos comme quoi Sérénit avait raison de dire que des personnes de notre rangs ne devraient pas vivre dans un minable appartement comme le notre et la présence curieuse de ma fille derrière la porte s’est estompée. Je me suis laissé tomber dans un fauteuil. Ma femme ne disait rien mais je sentais sa contrariété s’insinuer en moi. Sérénit avait oublié sa bouteille d’alcool de rose. Je m’en sers un verre. Il y a des jours où une bonne cuite n’est pas si mauvais au fond.