dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 1

Je m’appelle Syliss, j’ai été promu chef de la sécurité des sept cités de l’île. Ce n’est pas un poste que j’ai demandé. Moi, si ce secteur m’a attiré, c’est pour être sur le terrain, me confronter aux vices des bas quartiers, enquêter, partir à la recherche d’indices, sauver la veuve et l’orphelin comme on dit. Quand j'avais dix ans, je voulais même me porter volontaire pour civiliser les terres fraîchement colonisées. J’avais la tête farcie d’idéal à l’époque, je me sentais prêt à conquérir le monde. J’étais jeune et un peu bête comme le sont tous les jeunes. Je me suis vu propulsé dans le grand monde sans avoir rien demandé à personne. La haute, ça n’a jamais été mon truc. Je suis quelqu’un de simple à la base, né d’un fils d’émigré du sud suffisamment intelligent pour faire son trou mais décédé trop jeune pour assurer notre avenir et d’une ouvrière issue de la capitale un peu folle mais très jolie. Ca rattrape mais ça n’étoffe pas les finances. Un petit appartement, des fins de mois pas toujours faciles, une éducation correcte parfois un peu trop stricte à mon goût. Elu roi de la baise et de l’alcool à 15 ans alors que je ne supporte pas l’alcool et que j’étais encore vierge. Un bon bagout fait des merveilles mais, en y repensant, j’ai une certaine pitié pour toutes ses plantes que j’ai pu arroser de diverses piquettes. Elles méritent plus ce titre que moi. Maintenant je les arrose d’alcool de rose et, croyez moi ou non, elles n’en fleurissent que mieux. A seize ans, je me la joue rebelle à en partant à la conquête du monde, je me marie à 17 ans, un gamin dans la foulée et la vie de famille me calme. J’entre à l’école de police à 18 ans. A 19 ans je résous ma première grande affaire. C’est encore ma plus grande fierté même si au fond c’était plutôt un coup de chance et j’ai fait mieux depuis.

Suis-je nostalgique de ses années de franche camaraderie, de soirée entre collègues, sans faire attention ni à mon langage ni à ma tenue ? Même pas. J’en ai bien profité et je dois dire, sans me vanter que j’ai toujours eu une bonne faculté d’adaptation et qu’il ne m’a pas paru plus difficile de passer de gardes nocturnes dans les tréfonds des cités aux réceptions officielles que de faire un voyage dans quelques campagnes. Un nouveau vocabulaire à apprendre, quelques coutumes exotiques et me voila le parfait diplomate. Qui aurait cru ça de moi ? Personne. J’aurais du lancer des paris sur ma réussite, j’aurais gagné gros. Quoique non, car j’aurais parié contre moi.

L’histoire est cocasse si bien que je me permets de la mentionner. A 16 ans, jeune étudiant rebelle rêvant encore de sauver le monde, sur un coup de tête, je décide de partir à l‘aventure sur le continent. Je m’engage sur un vieux rafiot recyclé en usine de pêche au gros pour la traversée car je n’ai pas de quoi me payer une place d’avion. Je vais crapahuter ainsi quelques mois descendant vers le sud pour avoir chaud, vivant de petits boulots, cherchant à me faire embaucher dans la sécurité locale mais les étrangers se méfient de moi. J’arrivais ainsi jusqu’au continent noir. Mes connaissances sont bienvenues là-bas où les mentalités sont plus ouvertes qu’au sein des terres des sables et je gagne un petit pécule. De quoi payer un billet retour. Pourtant, au moment de rentrer, l’avion est dévié vers le nord. Et, quitte à atterrir, j’en profite pour débarquer histoire de visiter un peu ses pays du nord où il fait nuit six mois par ans, jours les six autres mois et où personne n’a réussi à aller voir s’il y avait quelques chose sous la glace. J’y suis resté six mois et j'ai ramèné de mon périple une jeune femme belle comme le jour et tendre comme la brise d’une province conquise du continent. Scandale. Famille outrée, soi disant amis qui chuchotent, moqueries. Tant de comportements mesquins qui me poussent d’autant plus à m’unir à cette jeune femme ravissante. Faut dire qu’à dix sept ans, on est prêt à refaire le monde. Décision qui même si elle parait être la conséquence d’un coup de tête, je dis de suite, je ne l’ai jamais regretté. Ma femme est ce qu’il m’a été donné de mieux dans cette vie. En tout cas, on ne peux pas dire que je n’ai pas été prévenu des conséquences, le même discours m’a été seriné jusqu’à ce que les liens de l’union scellent notre engagement : « si tu épouses une fille du continent, tu seras considéré comme aussi barbare qu’elle, jamais personne ne te confieras la moindre responsabilité et tu restera simple enquêteur toute ta vie ». C’est mon père qui me le répétait le plus souvent. Cocasse venant d’un fils d’immigré. Quant à ma femme, je ne la trouvais pas barbare, juste d’un charme exotique avec son teint pale et ses cheveux si clairs qu’ils semblent presque blancs, je n’avais aucune envie d’avoir des responsabilités et mon statut me convenait très bien. Et par-dessus tout, qu’ils aillent se faire voir tous, avec leur mentalité d’arriérés. J’ai donc scellé ma mésalliance avec plaisir, repris mon job et fait un tri parmi mes amis. C'est-à-dire que tous ceux qui chuchotaient derrière mon dos n’étaient plus mes amis. Pendant quelques années, j’ai fait du bon boulot, je suis retourné plusieurs fois sur le continent et je dois dire que j’ai fini par m'y faire apprécier. Là aussi, une fois qu’on a appris la langue et les coutumes du coin, le plus gros est fait. On a beau traiter ma femme de barbare, elle est tout de même issue d’une grande famille dirigeante sur le continent du nord. Du moins pas à notre mariage mais le pouvoir passe facilement d’un clan à l’autre suivant celui qui à la hache la plus aiguisée dans ces contrées. En fait, de leur coté aussi le mariage est mal passé : épouser quelqu’un de basse extraction comme moi, d’où qu’il vienne, ça a fait scandale mais au fil du temps ils en sont venus à m’apprécier ou au moins à envisager les avantages à avoir un gars de l’île dans leur famille ce qui fait que, quand les tensions sont montées entre l’île le continent et qu’il fallait étouffer les rebellions. Qui est-ce qu’on est venu chercher soudain avec un grand sourire après l’avoir ouvertement critiqué pendant des années ? C’est Siliss. Et a que je te serve de la pommade, et les compliments et vas y que je te serine du grand nom pour me demander de jouer les médiateurs. J’ai joué le jeu, j’ai ma fierté mais je pouvais bien la mettre de coté si ça pouvait éviter un conflit. En tout cas c’est ce qu’a dit ma femme. Et ça a marché. Je suis allé passer quelques vacances tout frais payé chez beau papa, j’ai joué les médiateurs, on a trouvé quelques compromis, les choses se sont calmées provisoirement mais le chef de la sécurité de l’époque a refusé de se plier aux arrangements et a renforcé ses patrouilles sur le continent. Il faut dire, les volontaires sur le continent, en général, ce ne sont pas des tendres, plutôt le genre bourrin qui casse tout puis réfléchit ensuite. Enfin là, je suis optimiste, peu sont capable de réfléchir.

Oui, bref, pourquoi je disais ça ?

Ha oui, donc nouvelle querelle, ton qui monte, menace. Et un jour j’apprends d’abord que Le chef de la sécurité est démis de ses fonctions puis, je trouve une note sur mon bureau en provenance du sommet de la tour (rien que ça), me transmettant les pouvoirs de chef de la sécurité. C’était le jour de mes trente ans.

Je me souviens bien de ma réaction. J’ai commencé par regarder autour de moi cherchant à distinguer parmi les box quelques regards de mes collègues guettant celui qui trahirait par quelques émotions être celui qui était à l’origine de cette farce de mauvais goût. Personne ne faisait attention à moi aussi, je me suis levé, tendant le papier en l’air et me suis écrié : « Qui est le con à qui je dois cette plaisanterie grotesque ? » Autour de moi, les têtes se sont levées de leur bureau, genre incrédule puis j’ai entendu « moi ».

Je me suis retourné satisfait pour me retrouver nez à nez avec le sénateur r. Je pense avoir bafouillé quelque chose très pertinent vu la situation genre : « sénateur, je, vous, enfin je croyais mais vous…, vous désirez…, mais ça c’est.. . » les paroles exactes, je ne m’en souviens plus mais j’aime autant oublier ces moments de solitudes extrêmes où les sourires commencent à germer en réponse à une maladresse exemplaire.

J’ai eu plus d’informations, une fois que je me suis retrouvé devant le conseil, au dernier étage de la tour de la loi. Cet étage était presque comme un mythe pour moi tant rares sont ceux y ayant déjà mis les pieds. Sans doute est-ce pour préserver les tapis blancs immaculés qu’ils gardent cette section à l’abri des regards (sarcasme). Même maintenant que j’ai le code d’accès de cet étage, j’y vais très peu. J’ose pas. Là, j’ai eu droit à l’explication en règle : les conflits de plus en plus fréquents entre les patrouilles et les indigènes, les choses qui tournent au vinaigre, mes capacités de négociations qui ont fait leurs preuves…

Dans ma langue maternelle de la rue, on m’aurait dit En gros, sors nous de cette merde s’il te plait. On était poli chez moi.

Eux ont préféré un long discours pour dire la même chose. Ils n’ont pas poussé la chansonnette jusqu’à avouer qu’ils se sont retrouvés acculés par le dirigeant des clans des pays du nord (nouvellement nommé beau-papa) qui a accepté de céder à condition que le chef de la sécurité démissionne et que je prenne sa place pour que ma femme, sa fille, ait l’air d’être avec un gars ayant un statut convenable. Mais il ne fallait pas avoir fait de grandes études pour saisir. Suffit d’avoir passé quelques jours chez mes beaux parents. C’est vrai qu’ils ne sont pas fins ceux-là mais je ne l’avouerais jamais devant ma femme.

Ma première impulsion fut de refuser. Chef de la sécurité, ça voulait dire brasser de la paperasserie, gérer les petites dissensions des subordonnés, faire des sourires et des courbettes à certains tout en les poignardant dans le dos. Pas mon truc.

Ca parait un peu niais dit ainsi, mais, si j’ai accepté c’est dans l’espoir de faire changer les choses, d’être en mesure d’établir un monde de paix et de prospérité ou tout le monde vivrait en harmonie, sans crainte. Un peu utopique je l’admets et très pompeux aussi. Et puis, il faut être réaliste, en cas de conflit, ces petites provinces n’ont aucune chance, la suprématie de l’île ne fait aucun doute. Un coup d'épée contre un missile, le gagnant est toujours le même. Mais les gars du pays de ma femme s’échauffent pour un rien et sont prêt à mettre en œuvre une guerre qu’ils sont sur de perdre, juste histoire de s’occuper. S’ils restent inactifs, ils gèlent sur place. Nous sommes tout de même la plus grande puissance mondiale et d’ailleurs, ses provinces nordiques le savent bien. Les territoires du sud par contre ont une fâcheuse tendance à remette ce postulat en cause parce que nous préférons tout faire pour éviter d’en arriver à un conflit ouvert mais à mon sens, ce sens de la diplomatie et de la négociation même avec les peuples les plus primitifs, c’est aussi une preuve de notre civilité. Il n’y a que les arriérés pour penser qu’on évolue par un conflit.

Quand j’ai été promu, mes rêves d’ado ont refait surface puis, très vite, la réalité m’a rattrapé.

Aujourd’hui, je me rends bien compte que mon pouvoir, c’est du vent. Je regrette souvent le travail de terrain mais pour autant, je ne regrette pas mon choix. Ce que j’aime dans ce poste, par-dessus tout, c’est de pouvoir prendre des décisions sans dire : « attendez, je dois en référer à mon supérieur ». Oui, ça c’est bien. C’est moi qui décide. La paye aussi, c’est pas mal. Quoique je n’ai rien changé à ma façon de vivre. Le pied de nez que je peux faire aussi à tous ceux qui m’ont tourné le dos et qui maintenant fulminent de jalousie, Et le bureau ! Juste sous l’étage du conseil, je domine tous les environs, si ce n’est la tour de la tradition qui me gâche un peu une partie de la vue.

Ses deux tours, pour les spécialistes du symbole, il y a à dire. Deux tours qui se font face, deux grandes puissances de verres et d’acier de la même taille, plantées là depuis trois milles ans. Enfin, on dit ça pour faire bien mais en fait, tant d’éléments ont été changés et refaits depuis leur construction qu’il ne doit plus rien rester d’origine si ce n’est la première pierre. Elles se passent le pouvoir de temps en temps. A l’origine, j’ignore qui avait le pouvoir. Ici, dans la tour de la loi, on dit que c’était nous mais en face, ils disent que c’est eux. Alors…

En tout cas, jusque récemment, on a traversé une grande aire où la tour de la tradition dominait l’île. Ils avaient instauré un régime très strict basé sur les anciennes valeurs et la religion sous peine de s’attirer la colère des dieux. Depuis cinquante ans, le régime démocratique dirigé par l’assemblée de sénateur et le couple présidentiel a repris ses droits. C’est une bonne chose à mon avis. Etre dirigé par une bande de fanatiques ne peut rien apporter de bon. Les Dieux doivent être d’accord avec moi car le changement de pouvoir n’a produit ni cataclysme, ni tremblement de terre ou autre pseudo manifestation divine Pour autant, concrètement, ça n’a pas changé grand-chose et malheureusement, le régime religieux reprend de plus en plus d’adeptes en particulier depuis le retour de l’astre rouge dans le ciel. Cette mythique planète est un symbole de catastrophe et de colère divine. Evidemment je n’y crois pas. Autre sujet de discorde, la tour de l’avenir, en construction actuellement. Elle devrait être aussi haute que les deux autres et former un triangle. Il s’agirait d’y regrouper le centre de la technique et des sciences. Nanotechnologie, développement spatiaux et tout le bazard issus des écrits Néfilims. Moi je dis, pourquoi pas. Mais beaucoup d’adeptes traditionalistes voient là une provocation contre la tour de la tradition Déjà, dans le projet de base, elle devait être plus haute mais ça à fait scandale d’imaginer une tour qui dépasserait celle de la tradition, ça offenserait les dieux et patati et patata, les dieux ont le beau rôle, on peut leur coller les sentiments qui nous arrangent, ils ne viennent jamais réfuter. Bref, les plans de la tour de l’avenir ont été revus, plus basse mais plus large pour avoir la même superficie ce qui offense tout de même les Dieux mais moins aux dires des prêtres. Tout cela a crée un joli tumulte et ce ne serait pas étonnant que les traditionalistes récupèrent quelques voix aux prochaines élections. Moi, j’attends de voir. L’idée d’une nouvelle tour faisant la nique à celle de la tradition me plait bien. Et puis, pour ce qui est de combler le temps, pas de soucis, je n’ai malheureusement pas le temps de m’ennuyer.

Mon assistante vient de m’annoncer qu’aucune navette n’était revenue du territoire du sud. Je ne suis pas étonné. J’ai fait mander le responsable de ce gâchis. C’est pas sa première bévue mais là, il a atteint les sommets de la bêtise. Voir sa sale gueule trop fière devant moi, ça me donne envie de le baffer. L’ennui, c’est qu’arriver à un certain niveau, on est obligé de mettre ses instincts de coté, même si voila un des rares cas où je dois admettre qu’un bon coup de poing, même si ça ne peut rien arranger, pourrait me défouler. Mon beau père serait d’accord avec moi. C’est ainsi qu’ils règlent les différents sur le continent. Je plaisante, là. Mon rêve serait d’éradiquer toute forme de violence mais cet homme a envoyé cinq pilotes à la mort. Des hommes expérimentés, et je ne parle pas des navettes et du scandale diplomatique. Et il ose encore apparaître devant moi avec le sourire. Alors numéro un : lui demander de s’expliquer.

« C’est au sujet des disparitions chef. Vous en avez peut-être entendu parler. Huit personnes, disparues en cinq jours. »

Ce n’était pas un bon départ de sa part. Je suis le chef de la sécurité, évidemment que je suis au courant de cette affaire. C’est même sur des sujets comme ça que j’enrage de ne plus être sur le terrain. Je dois me contenter des rapports et je n’ai pas le temps de m’y attarder autant que je voudrais mais ce dossier a retenu mon attention. Huit personnes, entre dix et trente cinq ans, homme et femme.

toutes disparues dans des lieux publics, remplis de témoins mais aucun témoignage concluant.

Je me contente de demander au capitaine de continuer, ça ira plus vite que de l’informer de mes connaissances sur le sujet.

« C’est bizarre » me dit-il, « on a des témoins mais personne n’a rien vu d’utile à l’enquête. »

Etat de choc je présume même si à cette échelle ça parait un peu simpliste mais je préfère attendre la version du commandant.

« Etrange, pas normal. »

Jolie conclusion, ça fait plaisir d’être entouré de personnels compétents. J’avais bien envie de lui passer un savon là dessus mais je ne voulais pas le laisser dévier, on n'était pas là pour parler de ça. J’en vins au vif du sujet : « Quel rapport avec les cinq chasseurs de combat dans le sud ?

- Oui, ces abrutis nous les ont descendu. »

Voila, tous ce qu’il trouvait à dire. « Evidemment qu’ils les ont descendu. Nous n’avons aucun droit de pénétrer leurs espaces aériens sous peine de se faire descendre. » Et ce sont de gros bourrins qui n’attendent qu’un faux pas de notre part.

« Le légat Sérénit nous avait pourtant affirmé qu’ils avaient désactivés leur missiles.

- Alors ça vous donnait le droit d’enfreindre la loi. Pourquoi avez-vous donné un ordre aussi stupide ?

- Ces enlèvements, je suis sur que le continent du sud y est mêlé. J’ai envoyé ces hommes. Ils avaient une mission d’espionnage mais ils se sont fait repérer, je ne comprends pas comment.

- Voyons les choses une a une, pourquoi pensez-vous que les territoires du sud soient liés à ses enlèvements ?

- Ces enlèvements sont bizarres. Eux, ils sont capables de faire des choses bizarres. »

Voila où nous en sommes. Que fait-on quand on se trouve face à quelqu’un qui envoie des hommes se faire descendre sous prétexte que c’est bizarre ? J’admets que le légat du Sud, Sérénit, pourrait aussi y mettre du sien. Face à la parano qui vise son continent, loin de démentir, il laisse courir les rumeurs les plus folles. Ca l’amuse. Et il a même osé me l'avouer. Et dire qu’il va falloir que je m’y colle pour lui expliquer ça.

Déjà, l'autre vient de faire sa dernière boulette. Il est viré. Maintenant, il fallait rattraper le coup. Quand je lui ai annoncé que s’il comptait rester dans son secteur se serait pour nettoyer les chiottes il s’est offusqué. Pourtant, à sa place j’aurai moi-même apporté ma démission. Lui, il s’est enfoncé.

« Le fait même qu’ils aient démoli nos appareils prouvent leur culpabilité ! »

J’ai serré les dents. « La seule chose que ça prouve c’est leur sale caractère et l’envie qu’ils ont de nous narguer et ça, il n’y avait pas besoin d’envoyer des hommes à la mort pour le savoir. » je lui ai rappelé le traité qui avait été conclu. Mon premier traité. Et avec les territoires du sud. J’en suis très fier. J’ai trouvé de beaux mots mais en, fait le contenu est simple : On n’empiète pas sur votre territoire vous n’empiétez pas sur le notre. Tout ce qui est chez vous est à vous tous ce qui est chez nous est à nous. Ca ne marche pas mal. En plus, coup de veine si on peut dire, quand je suis arrivé au poste de chef de la sécurité, il y a cinq ans, le légat des territoires du sud venait de décéder C’était un vieux bonhomme acariatre à moitié malade qui se traînait partout en crachant ses poumons et ronchonnant sans cesse mais d’un charisme si impressionnant que personne n’osait le contredire. Son successeur, qui a 25 ans maintenant est bien plus abordable même si lui aussi, personne n’ose trop s’y frotter. Au moins, quand il est arrivé, ça a fait cesser les jacasseries comme quoi j’étais trop jeune pour mon poste. Les ragots ont préféré se porter sur ce légat qui à l’époque avait à peine 20 ans, parlant d’offense et d’injure de nous envoyer un gamin pour représenter les territoires du sud. Je ne pense pas qu’il y ait eu là le moindre mauvais sentiment de la part des territoires du sud. Les jeunes là-bas, acquièrent des postes de responsabilités bien plus tôt que nous. Leur culture est plus simple aussi et pour ce qu’il a à faire, il n’y a pas besoin d’être une lumière. Le rôle du légat du sud se borne à répondre « non » à toute proposition aussi constructive soit-elle qu’on aurait l'audace de lui proposer.

L’ex comandant est sorti. Il était furieux. Ses états d’âme ne m’importaient guère. Tout en épluchant mon courrier Je passais la main sur le communicateur sans même un regard pour le visage qui apparaissait sur mon écran. J’ai pris l’habitude de toujours faire deux choses à la fois. Une façon comme une autre d’éviter le surmenage. J’entends la voix froide et efficace de mon assistante qui me demande ce que je désire.

Ce que je désire ? Des vacances au soleil avec ma femme et mes gosses. C’est pas possible ? J’aimerais un jour lui sortir un truc dans le genre, juste pour voir sa réaction mais je la crois dépourvu du sens de l’humour là, j’ai autrement plus important.

« Il me faut un rendez-vous avec le légat du sud. »

Silence. Elle devait sans doute vérifier son emploi du temps. Elle n’avait pas posé de question. De toute façon, elle devait se douter qu’il me faudrait gérer cette histoire de navettes descendues dans le sud.

Réponse enfin. « L’emploi du temps du légat Sérénit est complet pour le mois à venir. Voulez-vous que je tente de vous avoir un rendez-vous exceptionnel ? »

Soupir, j’aurais dû m’en douter. Pourquoi n’est-il jamais possible de le voir dans un délai normal celui là alors que ça ne pose aucun problème avec les autres ambassadeurs ?

Je réfléchis. « Non, pas de rendez-vous forcé ». Nous étions déjà en tort dans cette histoire, le brusquer n’était pas la meilleure chose à faire. Si il avait voulu me voir, il ne se serait pas gêné. Je continue d’éplucher mon courier. Mon regard s’arrête sur une invitation. Le sénateur Hykyl vous convie à la réception qu’il donnera en l’honneur de gnagnagna. En espérant et patati et patata. Voila le genre de soirée pompeuse que je n’affectionne pas particulièrement. Retour à mon assistante. Je sais qu’elle est toujours en ligne. Elle a l’habitude de mes longues pauses durant lesquels soit je réfléchis soit ma deuxième tache m’accapare plus d’attention. Ici en l’occurrence, c’était les deux. Je transmets l’invitation sur son écran. « Répondez que j’irai mais Renseignez-vous discrètement d’abord pour être sûre que le légat du sud y sera. Je ne tiens pas à user mes pieds dans un cocktail interminable pour le seul plaisir de voir le sénateur Hykyl se pavaner.

- A vos ordre chef. »

Pas mal ce nouveau moniteur vidéo. Il est plus précis que l’autre. J’arrive à percevoir les soupirs de frustration de mon assistante pourtant discrets. J’ai appris récemment, tout a fait par hasard en surprenant des conversations de pauses qu’elle rêvait d’assister à ce genre de petite sauterie. Je me garde bien de lui proposer de venir. D’abord car ce serait inconvenant et ainsi, elle peut garder ses fantasmes imaginant des réceptions grandioses alors qu’il n’y a là qu’hypocrisie et ennui. Mais, d’après mes renseignements, le légat du sud aussi apprécie ce genre de soirée. En tout cas, il se fait un devoir d’y assister. Peut-être juste pour le plaisir de mettre mal à l’aise tout le monde. Genre : l’ennemi est dans la place.

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